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Invertébrés: Quelques espèces d’Acropora particulières d’Indonésie - Part III

acropora
Ce nouveau volet poursuit la description des nombreuses espèces d'Acropora que vous pouvez rencontrer au hasard des arrivages en provenance d’Indonésie (voir les première et deuxième parties de cet article). Notre objectif reste le même que précédemment, c'est à dire fournir les informations nécessaires à la mise en place de conditions de maintenance adaptées à ces coraux.





Même s'il est difficile de mettre un nom scientifique sur chaque corail - la taxonomie classique n’étant pas bien adaptée pour ces animaux -, il est utile de savoir de quoi on parle. L’important, je pense, est de pouvoir identifier chaque corail de façon à le classer dans un groupe d’espèces similaires et s’hybridant (syngameon*). Cela permet ensuite d'en déduire les éléments utiles à sa maintenance. C'est précisément ce genre d’informations que je veux transmettre dans cette série. * un "syngameon" est un groupe d'espèces distinctes du point de vue écologique mais si proches génétiquement qu'elles peuvent se croiser.

Nous parlerons d'espèces qui sont peu importées car relativement peu colorées. Mais maintenant que le "full color" est devenu courant, de plus en plus d’amateurs recherchent des espèces ayant des formes particulières. Recréer les environnements caractéristiques de ces espèces, et notamment de forts courants, est devenu réalisable grâce aux récents progrès en matière de brassage. Ces espèces ont beau être un peu pâlottes, elles n’en sont que pas moins intéressantes, et elles réservent d’énormes surprises tant en forme qu’en coloration. Alors que les espèces les plus colorés et les plus habituelles peuvent décevoir en perdant leur forme et leur coloration sur le long terme.

Je parlerai d’abord d’Acropora monticulosa et de sa forme digitée caractéristique. Viendra ensuite le tour des "griffes" du récif, A. valenciennesi, qui forment de gigantesques cités, véritables HLM sous-marins pour Chromis viridis. Après un détour par un biotope particulier, j'évoquerai un groupe d’espèces qui occupent le même habitat et qui devraient être maintenues ensemble. Il s’agit d'A. solitaryensis, A. palifera et A. hyacinthus. Ce dernier peut d'ailleurs être associé à de nombreux autres biotopes. Le suivant sur le liste est l’un des plus beaux Acropora en plateau : A. clathrata. Ensuite et pour varier les formes, je présenterai l’épineux A. carduus. On terminera sur un grand classique qui devrait être présent dans tous les bacs, A. tenuis, et qui se décline dans presque toutes les nuances colorées.


Acropora monticulosa

Acropora monticulosa La particularité d’Acropora monticulosa (à droite, photo Vincent CHALIAS) réside dans le diamètre de ses branches à leur base. Sa solidité lui permet de résister aux plus grosses vagues. Des courants extrêmes ne l’impressionnent pas. De part sa robustesse et son biotope, c'est une espèce difficile à collecter. Même s’il ne pousse pas en profondeur, seules des conditions climatiques excellentes avec une houle inexistante permettent d'approcher son biotope et d'y travailler. Il faut être muni d’un burin très affûté pour le décrocher des rochers. Pour ces raisons, il est rarement proposé dans le commerce. Les seules colonies importées proviennent le plus souvent du Pacifique et de Fidji, où il est plus courant qu’en Indonésie.


Acropora monticulosa Il fait partie du groupe des coraux formant des massifs avec des branches en forme de doigts. Dans ce groupe, c’est l’espèce la plus solide, avec les branches les plus massives. Dans le milieu naturel, les colonies sont de grande taille, atteignant plus de trois mètres d’envergure. Elles épousent la forme du substrat, formant un solide tapis qui offre le moins possible de prises aux courants (à gauche une forme inhabituelle, photo Vincent CHALIAS).


Acropora monticulosa Les branches sont plus ou moins longues selon la force et l’impact des vagues. Elles sont souvent en forme de pyramides courtes et ramassées avec la base presque hexagonale dans les zones les plus exposées ,et plus coniques dans les zones moins agitées. Les pointes des branches sont souvent aplaties. De ce fait les corallites axiales - le squelette d’un seul polype se trouvant au bout des branches - sont souvent assez larges et de couleur différente (à droite, photo Vincent CHALIAS). Les corallites radiales - le squelette d’un seul polype se trouvant sur le pourtour des branches - sont uniformes en taille et en distribution, elles sont courtes, tubulaires, arrondies et épaisses, souvent avec une petite ouverture. Elles sont rarement alignées comme cela peut être le cas chez A. humilis. La couleur la plus courante est le marron, mais quelques colonies sont bleutées ou crème à pointes bleutées. Quelquefois, on observe des colonies avec des corallites bleu-pâle sur un fond subtilement orangé. Ces pièces sont d'une grande beauté. J’ai peu d’expérience concernant la maintenance de cette espèce, mais un maximum de lumière blanche et de courant devrait convenir a priori. Nous commençons à cultiver cette espèce et elle devrait se faire moins rare chez les détaillants.


Acropora valenciennesi

Acropora valenciennesi Cette espèce est aussi courante dans le milieu naturel que rare dans le commerce. Les colonies sont trop grosses pour être collectées, et leur couleur terne n’est pas très intéressante, bien que quelques fois, elles puissent être d’un bleu-pâle magnifique ou légèrement jaune à pointes bleu-pâle. Mais quelle beauté quand ces colonies sont "décorées" de quantité de Chromis viridis et autres demoiselles (à droite, photo, Vincent CHALIAS). Ces larges colonies aux longues branches incurvées et aérées constituent en effet une parfaite forteresse pour les graciles demoiselles. C’est la cité parfaite pour les Chromis viridis, Pomacentrus molucensis et autres Dascyllus reticulatus ! Bien sur, cette espèce ne devient intéressante qu’au-delà d’une certaine taille, et c’est pour cela qu'il convient de la réserver aux très grands aquariums.


Acropora valenciennesi Ce corail est très solide. C'est souvent l'espèce dominante. Sur de nombreux sites autour de Bali, suite aux blanchiments de 1998, c’est l'Acropora qui a le moins souffert et qui s’est remis le plus vite. Maintenant encore, c’est souvent la seule espèce présente sur des récifs qui ont été très abîmés (à gauche une forme jaune, photo Vincent CHALIAS). On la trouve habituellement en haut de la pente externe ou des tombants, sur les platiers peu exposés ou dans les passes assez calmes. Les colonies peuvent mesurer plusieurs mètres de diamètre. Elles sont souvent attachées latéralement au substrat suivant la pente. Elles sont formées d’un réseau de branches principales horizontales souvent fusionnées et poussant parallèlement au substrat, qui forment le plateau, et duquel partent de longues branches incurvées, verticales et uniformes, ressemblant à des griffes. Ces branches supérieures sont peu ramifiées et bien espacées, laissant le courant circuler au travers et offrant un refuge pour une vaste communauté de demoiselles, gobiodons, crabes et autres crevettes.


Acropora valenciennesi Acropora valenciennesi est classé par Veron parmi le groupe des coraux formant de larges colonies branchues et horizontales à branches incurvées. Les corallites axiales sont légèrement proéminentes. Les corallites radiales sont tubulaires et arrondies, ressemblant à des nodules homogènes en taille et en distribution. Elles sont uniformément réparties le long des branches, presque alignées (gros plan, photo Vincent CHALIAS). Si par chance vous réussissez à dénicher une colonie bleutée ou légèrement verte, sachez que cette espèce aime beaucoup la lumière mais préfère des courants moyens. Je conseille de lui fournir une lumière intense en 10000K avec des ampoules BLV ou Aqualine, voire de l’Iwasaki 6500K. Le brassage devrait être modéré, avec des "tempêtes" régulières. Cette espèce commence à être cultivée.


Petit aparté : le bac "Wallace"

Acropora stand
Un des plus beaux aquariums dont j’ai pu voir des photographies est un aquarium récifal situé à Nagoya au Japon, et peuplé principalement d’Acropora vivant dans les zones subtropicales du sud de l'archipel nippon. La population des poissons est composée presqu'exclusivement de Chromis viridis. C’est le bac le plus réaliste que j'ai jamais contemplé. Il m’a donné l’idée de cette partie de l’article. (à droite, Acropora stand, photo, Vincent CHALIAS)

Toutes les espèces dont il est question ensuite se trouvent dans le détroit de Lombok entre Bali et Lombok. C'est à cet endroit que passe la ligne imaginaire dite de Wallace. Selon le naturaliste Sir Alfred Wallace (XIXème siècle), cette barrière maritime forme une frontière naturelle entre la flore et la faune d’origine asiatique, et celles d’origine australienne. En fait la différence au niveau de la flore est essentiellement dûe à une différence de climat, qui est beaucoup plus sec en se déplaçant vers l’Est. La biogéographie moderne reconnaît certes une distinction entre les faunes asiatiques et australiennes, mais la frontière entre les deux régions est considérée comme beaucoup plus vague que la ligne de Wallace. Néanmoins, cette zone de transition entre l’Asie et l’Australie est toujours appelée "Wallacea".

L’autre caractéristique importante de ce détroit est qu’il est le siège d’un intense courant. Ce courant prend son origine dans la Mer des Philippines et l’ouest du bassin des Iles Carolines. Il est produit par les alizés soufflants vers l’ouest dans ces régions. Ces vents permanents et intenses génèrent des courants importants qui accumulent quantité d’eau au nord-est de l’archipel Indonésien. À tel point que l’Océan Pacifique au nord de l’archipel est à peu près 15 cm au-dessus du niveau moyen des océans. A cause de forces similaires mais agissant en direction opposée, l’Océan Indien au sud, est à peu près 15 cm au-dessous du niveau moyen des océans. La géographie complexe de l’archipel Indonésien bloque et canalise ce courant en surface, au travers d'itinéraires sinueux. Une fois passées les difficultés engendrées par les Célèbes et les Moluques, ce courant doit affronter la barrière formée par les petites Iles de la Sonde. Et le passage le plus profond (1200 m en entrée - 130 m au moins profond en sortie) est le détroit de Lombok qui concentre 20% de ce courant titanesque dans ses 35 km de largeur. Ce courant est une véritable manne pour la biodiversité de l’est de Bali. Il y draine les eaux riches en plancton, minéraux et larves de tout l’archipel Indonésien et de l’ouest du Pacifique.

En plongée dans le centre de la mer de Java après quelques temps passés dans le triangle de la biodiversité entre Sulawesi, Bali et la Papouasie, ou par exemple en plongée sur la côte sud de l’île de Menjangan au nord-ouest de Bali (toujours dans la mer de Java), on peut facilement compter une quarantaine d’espèce d’Acropora dont certaines en quatre ou cinq patrons de coloration différents. Lorsque l’on pénètre plus avant dans les parties isolées des courants, à quelques 500 km de là, on ne compte plus qu’une quinzaine d’espèces dont cinq représentent 90% de la couverture. C’est là que l’on se rend compte de l’impact de ce courant sur la diversité.


Acropora granulosa Acropora tenuis
Acropora formosa Acropora solitaryensis
En haut à gauche : Acropora granulosa "super" violet
En haut à droite : A. tenuis vert
En bas à gauche : A. formosa violet
En bas à doite : A. solitaryensis - Photos, Vincent CHALIAS

Comme si cela ne suffisait pas, cette "soupe planctonique" est déversée dans une zone d’up welling, c'est à dire des eaux froides et riches en minéraux qui remontent des profondeurs de l’Océan Indien. Cela favorise une explosion de vie permanente. C’est tout cela qui rend cette zone tourbillonnante aussi intense et particulière. Lorsque l’on se promène en bateau dans ce détroit, on constate vite l’agitation qui règne en-dessous. On atteint quelquefois les 8 nœuds sans même utiliser de moteur ou de voile, de grosses bulles remontent à la surface et des lignes de courants se lisent facilement sur la surface. Les sites de plongée du détroit portent des noms particuliers, synonymes de danger, comme les "toilettes"» ou les "bulles qui coulent"...

Recréer en aquarium cette zone si particulière n’est pas une tâche facile, mais en gros ce serait :
- un gros bac assez profond,
- un décor avec un dénivelé important et rapide,
- une eau fraîche,
- un courant laminaire fort et une houle importante,
- des apports réguliers en plancton et sels minéraux,
- des changements d’eau importants et réguliers.

Le peuplement en poissons est assez facile à réaliser, puisque cette zone fait partie du triangle d’or de la diversité. La majorité des espèces y est représentée et exportée. Il faut choisir des espèces qui tolèrent les forts courants : les Anthias, anges et autres labres font partie de cette catégorie. Beaucoup d’espèces plus habituées de lieux plus calmes fréquente aussi cet habitat, turbulant mais riche en plancton. Comme coraux, nous pouvont inclure dans la longue liste des espèces : A. abrotonoïdes, A. efflorescens, A. florida, A. robusta, dont nous avons déjà parlé dans l’article précédent, ainsi que : A. palmera, A. palifera, A. glauca, A. hyacinthus, A. millepora, A. tutuilensis, A. secale, Echinopora lamellosa, Euphyllia glabrescens, Favites chinensis, Favia speciosa, Montipora aequituberculata, Pocillopora eydouxy, Pocillopora damicornis, Symphyllia sp., Turbinaria peltata, Turbinaria mesenterina, Sarcophyton sp., Sinularia sp., Lobophytum sp., Nephthya sp., Pachyclavularia violacea … et la liste pourrait être bien bien plus longue.


Acropora solitaryensis

Acropora solitaryensis Cette espèce aussi intéressante que rare est destinée à des aquariums conçus pour une population bien spécifique (à droite, photo Vincent CHALIAS). Cette espèce est caractéristique des régions subtropicales ou des régions tropicales avec de forts courants froids remontants des profondeurs et chargés en minéraux (upwellings). Elle abonde au sud de la Grande Barrière de corail et au sud du Japon. Dans le reste de son aire de répartition, elle est plutôt rare. Elle aime donc les courants froids et puissants. En Indonésie, cette espèce est présente sporadiquement dans le détroit de Lombok et est particulièrement rare ailleurs.

A. solitaryensis fait partie du groupe des Acropora dont les branches s’entrecroisent et fusent à leur base, et dont les corallites radiales sont proéminentes et prononcées. Un autre trait caractéristique de ce groupe est leur développement suivant un plan horizontal. A tel point que dans les zones moyennement éclairées et soumises à un très fort courant, les branches de A. solitaryensis fusionnent complètement pour donner des disques ressemblant à ceux d’A. efflorescens, mais en plus épais. Lorsque les branches ne fusionnent pas, il ressemble beaucoup à A. divaricata, mais la colonie a une forme plus ramassée et plus plate. Les branches sont souvent bien horizontales au centre la colonie, mais incurvées et légèrement remontantes sur la périphérie. C’est cette forme qui est courante ici, alors que les "disques" sont plus rares. Les plateaux peuvent atteindre presque trois mètres de diamètre et former des niveaux sur plusieurs mètres de dénivelé. Les colonies sont brunes dans la plupart des cas. Des colonies vert-foncé avec le bout des branches plus clair sont quelquefois rencontrées.

Les corallites axiales sont tubulaires, distinctes et fragiles. Les corallites radiales ont une répartition, un arrangement et une taille assez homogène. Leur concentration est en général très importante vers la base des branches et devient éparse vers les pointes. Leur morphologie est pour la majorité nariforme et, quelquefois, elle peut être tubulaire dans les pointes et légèrement plus profilée et accolée aux branches à leur base. Les tentacules sortent pendant la nuit, et compte-tenu du fait que cette espèce se trouve préférentiellement dans les zones bien exposées où les périodes de forte turbidité sont courantes, il est probable que la capture de plancton tienne une place prépondérante dans ses apports énergétiques.


Acropora solitaryensis Côté maintenance, ce corail est assez solide et voyage plutôt bien. Il est peu courant dans le commerce, car les petites colonies sont rares. De plus, sa couleur n’est pas très attrayante et son habitat difficile d'accès. Sa couleur à tendance à s’estomper durant le transport pour devenir brun-pâle, alors que certains spécimens très éclairés sont verts presque phosphorescents. Il est maintenant cultivé et devrait apparaître plus régulière dans les boutiques (à gauche une bouture, photo Vincent CHALIAS).

Sa maintenance est particulière, surtout si vous désirez lui conserver une croissance d’aspect naturel. La lumière n’est pas le facteur limitant, même si un peu de bleu dans le spectre fait bien ressortir sa couleur verte. C’est pourquoi je conseille du 14000K ou du 20000K pour l’éclairage. Il faut aussi qu’elle soit bien repartie pour induire une forme de pousse naturelle. À ce sujet, il est plus intéressant d’utiliser plusieurs sources de plus faible intensité plutôt qu’une seule source lumineuse puissante. Pour le brassage, une houle combinée à un éclairage puissant favorisent une forme légèrement branchue et aérée. Un courant laminaire intense et s’inversant régulièrement avec une lumière modérée favorisent la forme en "parabole" qui est assez recherchée mais encore difficile à reproduire en aquarium.


Acropora (Isopora) palifera

Acropora palifera Le genre Acropora est divisé en deux sous-genres Acropora Acropora et Acropora Isopora dont il existe une quinzaine d'espèces. Les A. Isopora sont des espèces formant des plateaux solides ou des colonnes. Une des particularités du sous-groupe Isopora, et qui le différencie du reste des Acropora, est qu’il possède des corallites axiales multiples sur la même branche ou aucune pour certaines formes lorsque celles-ci deviennent encroûtantes sous l’action des vagues ( A. Isopora palifera, photo Vincent CHALIAS).

Une autre particularité de ce sous-groupe est que ses membres se reproduisent sexuellement avec une fertilisation interne suivie d’un développement larvaire interne. La larve est couvée à l’intérieur du polype pendant plusieurs mois avant d’être relarguée. Les colonies hermaphrodites relarguent leur sperme qui fertilise les oocytes in situ dans les polypes d’autres colonies. Ce phénomène n’a jamais été observé chez d’autres espèces d’Acropora. Les Acropora Acropora sont eux-aussi hermaphrodites mais ils relarguent simultanément des paquets de sperme mélangés aux œufs lors de pontes massives. Ces paquets se brisent et les cellules sexuelles se mélangent pour être fertilisées extérieurement. Les œufs fécondés donnent naissance à des larves, planulas, qui rejoignent le plancton et se dispersent. Ces larves se fixent ensuite sur un substrat adéquat et se transforment en polypes. La conclusion de tout ça est que les espèces du sous-groupe Isopora ont une chance plus importante de se reproduire sexuellement dans un aquarium, alors que pour les autres Acropora, cette chance est infime. Les larves qui se développent dans le milieu libre ont une grande chance de se faire broyer par les pompes et autres équipements de l’aquarium. Alors qu’une larve qui est couvée dans un polype et qui en ressort mature a de grandes chances de se fixer rapidement.

Acropora palifera Acropora palifera est l’espèce la plus courante du sous groupe Isopora (Photo Vincent CHALIAS). Cette espèce ne possède pas de corallites axiales. Elle est souvent encroûtante et forme des branches en forme de tête d’os (cunéiforme). C’est d’ailleurs cette forme particulière qui rend cette espèce intéressante. Cette forme est aussi partagée par Pocillopora eydouxy et est caractéristique de cette espèce dans le sous-groupe des Isopora. P. eydouxy est facilement indentifiable grâce à ses larges verrues uniformes et bien espacées, caractéristiques du genre et de l’espèce. Pour les formes encroûtantes d’Isopora, il faut se reporter au diamètre des corallites pour différencier les espèces. A. palifera est l’espèce dont les corallites sont les plus larges.

Acropora palifera Cette espèce n’est pas très colorée, bien qu’elle puisse être jaune-pâle (à gauche, photo Vincent CHALIAS) ou même vert-pâle en de rares occasions. Il existe aussi des variétés brunes à polypes verts. Mais la plus intéressante est la verte métallique qui est couramment cultivée. Elle est souvent encroûtante et ressemble plus à un Montipora qu’à un Acropora. Les corallites sont très larges, de tailles intermixées et souvent très rapprochées, poussant presque les unes sur les autres. Le squelette est très dense. Cette espèce est assez courante dans toutes sortes d’environnements juste sous le niveau des marées. Elle devient dominante en haut des pentes externes exposées aux fortes houles, où elle prend souvent une forme encroûtante. Elle domine aussi souvent sur ces récifs, juste à l’intérieur du lagon sur l’arrière des platiers exposés où elle adopte alors souvent la forme branchue. Dans les zones intermédiaires en termes de houle et de courant, A. palifera prend des formes de pousse qui dépendent de ces deux facteurs, poussant généralement perpendiculairement aux mouvements de l'eau et offrant ainsi le moins de résistance possible en formant des branches courtes et profilées. Elle est courante sur toutes les côtes sud de l’archipel Indonésien faisant face à l'Océan Indien. Ces côtes sont soumises à de fortes houles recherchées par les surfeurs du monde entier et par cette espèce !

La maintenance est assez particulière car évidemment, corail demande une qualité d’eau irréprochable, un courant et une lumière très importante. La qualité de la lumière n’est pas très importante, la quantité est le facteur primordial. C’est pourquoi je conseille de les éclairer intensément avec des ampoules Iwasaki 6500K, ou d’autres marques en 10000K et toujours en 400 W minimum. La colonie doit être placée sous la surface, et dans la zone la plus éclairée. Le courant doit être important mais on doit éviter au maximum les flux cisaillants produits par les pompes classiques. Il faut choisir parmi les nouvelles générations de pompes aux larges sorties et au flux massif. Un effet de houle est un plus, mais n’est pas primordial. Je suis plutôt favorable à un fort courant de marée horizontale qui s’inverse toutes les six heures, avec des temps de calme complet entre chaque changement de direction, comme il en existe dans les lagons. La croissance est assez lente et ne doit pas être ralentie par une compétition trop importante avec d’autres espèces d’Acropora ou d'autres coraux qui sont plus aptes à coloniser l'habitat. Cette espèce ne se développe que dans des endroits où les autres espèces ne poussent pas bien. Elle n’est donc pas bien équipée pour faire face à la compétition.

Acropora palifera
Cette espèce est couramment cultivée, mais les colonies exportées sont souvent encroûtantes et confondues avec des Montipora. En effet, la production de branches même dans des conditions de faible houle est assez tardive. Cela peut prendre plusieurs années avant que le moindre signe de développement vertical ne soit visible (A. palifera "frags", photo Vincent CHALIAS)





Acropora hyacinthus

Acropora hyacinthus Cette espèce n’est pas vraiment rare, mais sa forme en plateau à branches fines et sur plusieurs niveaux est très particulière (à droite, énorme colonie suspendue dans le vide, photo Vincent CHALIAS). En plus de sa forme, la variété rouge souvent bordée de bleu-pâle est très intéressante. A. hyacinthus vit parmi d’autres espèces d’Acropora ou de Porites avec lesquelles il contraste énormément. C’est souvent cela qui le met en valeur et le fait ressortir du lot. C’est ainsi que je conseille de le placer, au milieu d’un bosquet d’Acropora branchus de type formosa, parilis ou grandis.

Cette espèce est extrêmement délicate, et la moindre manipulation entraîne souvent la rupture de quelques branches ou polypes. Cette espèce ne voyage pas bien et s’abîme souvent pendant le transport. Pendant les périodes de stress, elle peut être victime de nécroses foudroyantes des tissus qui l’anéantissent en quelques heures. Mais lorsqu'elle est bien acclimatée, elle pousse rapidement et est de maintenance relativement facile. Acropora hyacinthus est facilement identifiable, il ne peut être confondu qu’avec peu d’espèces poussant tout comme lui en plateau. Ces espèces sont A. cyrtherea et A. selago notamment. Il vit en haut des tombants, sur le platier, dans les lagons peu profonds et bien brassés, ou en haut des pentes externes légèrement exposées où il est alors souvent dominant. On le trouve rarement en dessous des 7-8 m de profondeur. Il peut se développer en tables énormes qui peuvent atteindre plus de trois mètres de diamètre. Il forme en général plusieurs niveaux se chevauchant les uns les autres, ou des groupes de petits plateaux en forme de "balcons". Les colonies sont plus ou moins aérées selon la force du courant, pouvant devenir encroûtantes dans les zones très agitées. Il est classé par Veron dans le groupe des plateaux à longues branches fines et horizontales. Des branches horizontales, s’élève de petites ramifications verticales de 10 à 30 mm de haut et 3 à 7 mm de diamètre. Les corallites axiales sont très légèrement proéminentes mais peu distinctes. Les corallites radiales sont homogènes, en forme de petites coupelles qui forment une rosette autour des corallites axiales.

Acropora hyacinthus Les deux variétés les plus intéressantes sont la verte et la rouge (à droite, forme rouge, photo Vincent CHALIAS). On les trouve souvent mélangées sur le même platier. En Indonésie la forme rouge domine. Les nouvelles pousses sont souvent bleu pâle. Quelquefois, les corallites axiales sont légèrement colorées en orange ou en rose, ce qui en augmente encore le charme. Cette espèce aime la lumière, et elle doit être éclairée intensément. La qualité de la lumière n’est pas très importante, la quantité est le facteur primordial. C’est pourquoi je conseille de les éclairer avec des ampoules Iwasaki 6500K, ou d’autres marques en 10000K. D’après mon ami Bachir, les ampoules BLV en 10000K - changées tous les 8 mois - ou des Aqualine en 13000K - changées tous les ans - conviendraient parfaitement. Le courant doit être conséquent et varié pour obtenir une forme de pousse homogène. Ce corail est couramment cultivé.


Acropora clathrata

Acropora clathrata Cette espèce est vraiment unique de part sa forme en plateau presque parfaitement horizontal, pourvu de branches concentriques qui s’entremêlent comme une toile d’araignée (photo Vincent CHALIAS), et de part sa rareté dans le commerce. C’est l’Acropora plateau par excellence. La plupart des colonies sont brunes, seules quelques-unes très rares sont vertes, mauves ou jaunes. Trouver une colonie de petite taille et colorée relève de l’exploit. En Indonésie, les colonies mauves sont extrêmement rares, celles qui arrivent dans les boutiques proviennent souvent des îles Fidji, et leur acclimatation est très délicate. En Indonésie, on rencontre de temps à autre des colonies vertes ou jaunes.

Acropora clathrata Cette espèce est vraiment unique et caractéristique, on la confond difficilement avec une autre (photo Vincent CHALIAS). Il n’est pas utile de chercher dans un livre pour en avoir le cœur net, on la reconnaît immédiatement. Ce corail est classé par Veron dans le groupe des espèces formant un plateau et des tables à branches horizontales solides. Il pousse souvent sur un petit promontoire où il "vole" la lumière de ses voisins, ou encore attaché par le côté et formant un demi-cercle. On le trouve en général sur les pentes externes régulièrement exposées à la houle et aux courants, sur le haut des tombants, suspendu dans le vide perché sur une avancée, souvent à des profondeurs intermédiaires, entre 5 et 15 m.

La colonie est presque parfaitement horizontale avec des branches concentriques qui souvent fusionnent ensemble à l’intérieur de la colonie pour s’entremêler vers la périphérie. Il n’y a normalement pas de développement de branches verticales, seules quelques petites projections sont parfois présentes. Les corallites axiales sont petites, fines et souvent de couleur différente. Les corallites radiales sont peu espacées, le plus souvent de tailles mélangées, tubulaires, nariformes, souvent ressemblant à des nodules bien arrondis. Cette espèce est à réserver à de grands bacs car elle a besoin d’espace pour se développer, s’étaler et prendre sa forme naturelle.
Acropora clathrata
Elle aime la lumière et le courant (photo Vincent CHALIAS). La lumière blanche en 10000K ou même plus jaune en 6500K lui convient parfaitement. Le brassage doit être conséquent et varié pour obtenir une forme de pousse homogène. Comme dans la nature, je conseille de la placer sur un promontoire avec une très bonne circulation d’eau au-dessus et au-dessous. Nous commençons à cultiver cette espèce.



Acropora carduus

Acropora carduus Afin de varier les formes, nous allons voir maintenant cette espèce classée dans le groupe des épineux (photo Vincent CHALIAS). Cette espèce est un autre exemple typique des espèce qui ne seraient arrivées dans les boutiques qu’à de très rares occasions si la culture n’en avait pas été décidée. Alors qu’aujourd'hui, elle est même plutôt commune.

Cela m’est arrivé de passer six heures par jour dans l’eau, pendant plusieurs jours, et de passer au-dessus de milliers de ces colonies sans pouvoir en trouver une seule de taille raisonnable qui puisse rentrer dans une boîte d’expédition. Toutes les colonies observées se développaient sur plusieurs mètres carrés et plusieurs mètres de hauteur. Cette espèce est un "classique" des lagons protégés et turbides des petits îlots de la mer de Java, des archipels de Pulau seribu ou Karimunjawa, où elle est très commune à partir de cinq mètres de profondeur. On la trouve parfois plus profond, mais la couleur est alors moins intéressante en général. En effet, près de la surface elle est bleutée ou mauve, alors qu’elle est brune en profondeur. Même dans les eaux peu profondes, les derniers 20 cm sont colorés, alors que la base des branches recevant moins de lumière est généralement brune.

Acropora carduus Cette espèce fait partie du groupe des épineuses ressemblant à des bouquets de goupillons (photo Vincent CHALIAS). Les colonies sont de véritables buissons de ronce avec des branches principales irrégulières desquelles partent à intervalles réguliers de courtes brindilles. Les corallites axiales sont dominantes, contrairement à la majorité des Acropora, ce qui est une des caractéristiques du groupe. Elles sont courtes vers les pointes des branches, alors qu’elles sont plus longues dans les parties basses. Elles contrastent avec le reste de la colonie car elles sont souvent de couleur différente, bleu-pâle avec les tentacules mauves sur fond brun, ou jaune sur fond brun. Les corallites radiales sont peu nombreuses, petites, uniformes en taille et en distribution. Elles sont éparpillées et bien espacées sur les branches. Elles sont nariformes ou légèrement tubulaires, mais acollées aux branches avec une ouverture ronde et plate.

Acropora carduus
C’est une espèce plutôt solide et peu exigeante (photo Vincent CHALIAS). Elle s’adapte à plusieurs type de lumière, mais plus celle-ci est intense mieux est la coloration. Les lumières bleues en 20000K auront tendance à transformer les pigments bleus ou mauves en vert. Pour ce qui est du courant, elle n’en a pas besoin de beaucoup, mais il devra être régulièrement inversé. Cette espèce est couramment cultivée. C’est même un "best seller".




Acropora tenuis

Acropora tenuis On trouve cette espèce en deux colorations principales : le bleu et le vert (à droite, photo Vincent CHALIAS). Elle peut être soit entièrement bleu vif dans les zones très illuminées ou crème avec juste les pointes bleu-foncé dans les zones un peu plus sombres ou turbides. Par contre, pour le vert cela sera du très vif, presque jaune sur tout le corps. Quelquefois on peut aussi la trouver avec les pointes légèrement violettes. Les lèvres des polypes axiaux sont souvent orangées.


Acropora tenuis Cette espèce est très régulièrement exportée de Djakarta ou de Bali, c’est un grand "classique" (Photo, Vincent CHALIAS). De plus, elle est relativement peu exigeante en temes de maintenance. En aquarium, elle s’adapte très bien à plusieurs types d’éclairages. Du 6500K au 20000K, tout lui convient. Par contre une eau un peu trop "riche", notamment en phosphates ou nitrates, peut empêcher l’épanouissement complet des couleurs. Une population trop importante de zooxanthelles donnera un aspect brun à la colonie.


Acropora tenuis Elle est particulièrement fragile et souffre des manipulations indélicates ou des aléas du transport. Les branches sont fines, tubulaires et peu denses, elles cassent donc facilement. Heureusement les colonies se remettent très rapidement de ces blessures, celles-ci n’entraînent jamais la mort complète du corail. Les colonies sont corymboses - réseaux de branches principales horizontales avec des ramifications secondaires verticales -, et forment des plateaux d’apparence plutôt épineux, mais quand même homogènes avec des branches assez compactes. (A. tenuisforme jaune et bleue, photo Vincent CHALIAS)


Acropora tenuis Les corallites axiales sont longues et tubulaires. Les corallites radiales sont d’apparence uniforme, elle sont très bien développées et ressemblent à des oreilles avec le lobe bien arrondi. Elles forment une harmonieuse "corolle" de pétales remontant autour du polype axial. On trouve cette espèce dans des lagons bien protégés, ou sur des pentes externes particulièrement calmes et turbides, souvent du côté protégé de la houle et des courants de petits îlots coralliens, de quelques mètres jusqu'à une dizaine de mètres de profondeur. Il arrive de le trouver dans des endroits un peu plus exposés aux courants. Là, sa forme ne change pas beaucoup, mais c’est sa densité qui est plus importante. Nous cultivons plusieurs souches de cette espèce, dans des sites différents pour des résultats à peu près similaires (A. tenuis bouture bleue, photo Vincent CHALIAS). C’est là encore une preuve de l’adaptabilité de cette espèce.


Voilà c’est tout pour aujourd’hui. J'espère que vous avez apprécié la "plongée". Et n’oubliez pas, un aquarium récifal c’est fait pour rêver et se détendre !


Bibliographie

Tomascik, Mah, Nontji et Moosa: The Ecology of Indonesian Seas, part one and two, 1997
Veron, J.E.N: Corals of Australia and the Indo-Pacific, 1986
Veron, J.E.N: Corals in Space and Time: The biogeography and evolution of the scleractinia, 1995
Veron, J.E.N: Corals of the World, 2000
Wallace, Carden: Staghorn Corals of the World: A revision of the genus Acropora , 1998
Wallace, Carden: Staghorn coral of the world : A key to species of Acropora, 1999
Wallace, Carden and Aw Michael, Acropora, Staghorn Corals, 2000



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Article écrit par Vincent Chalias (www.amblard.fr) et publié par Récifs.org le 14/04/2006

 
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