Soyez les bienvenus dans cette nouvelle rubrique. Dans "Tranches de récif", nous avons choisi de vous présenter des réalisations qui ont attiré notre attention. Nous souhaitons ainsi vous faire partager le point de vue et les choix d’un aquariophile. Le premier bac présenté est atypique en bien des points. Des dimensions hors normes, des animaux exceptionnels, un équipement conséquent et une philosophie… plus qu’intéressante !
Photo, Hervé ROUSSEAU
Passionné par les récifs coralliens, Gabriel a débuté dans l’aquariophilie récifale il y a 6 ans avec des bacs toujours plus grands jusqu’à finalement maintenir deux bacs connectés de 1000 et 600 litres, le premier quasi exclusivement peuplé de coraux durs à petits polypes (SPS), l’autre peuplé presqu'uniquement de coraux durs à larges polypes (LPS). Suite à un déménagement en 2002, il a pris la décision de transformer le garage en une pièce dédiée à un aquarium de grande dimension, et ce fut le début d’un formidable pari :
Le bac fera 6 m de long, pour 1 m de profondeur et 0.65 m de hauteur !
Caractéristiques techniques et maintenance :
D’un volume brut de 4200 litres, la cuve principale possède un compartiment de débordement accueillant 3 descentes en PVC de 40 mm de diamètre donnant toutes les trois dans un décanteur. Celui-ci a été conçu selon les plans détaillés dans l’article Tout savoir sur ... la sédimentation par Joffrey Dislaire dans Aquarium Récifal de Septembre 2001. Un système de vannes permet, lors du nettoyage du décanteur ou d’un changement d’eau - comme nous le verrons par la suite - de détourner la descente vers la cuve technique située en aval du décanteur.
Photos, Hervé ROUSSEAU
L’eau du bac principal s’écoule donc directement dans le décanteur, dont les dimensions ont été calculées en fonction du débit d’écoulement afin de piéger au mieux les sédiments. Après ce passage dans le décanteur, l’eau alimente, par l’intermédiaire d’une liaison souple en PVC munie d’une vanne, trois écumeurs H&S bipompes Eheim qui ont été modifiés chez le constructeur afin de recevoir une entrée d’eau en diamètre 40 mm :
Photo, Hervé ROUSSEAU
Autre singularité de ces écumeurs, toutes les entrées d’air des pompes à dispergateur Eheim sont reliées à un tuyau PVC connecté directement à l’extérieur de la maison. En effet, la plupart des échanges gazeux entre le bac et l’air «ambiant» ayant lieu au sein de l’écumeur, il est préférable d’injecter un air aussi «pur» que possible.
Cf article : « indoor air quality » Advanced Aquarist Avril 2002
Ce tube PVC reçoit aussi l’injection d'ozone - à raison de 30 mg/h - produit par un ozoniseur Red Sea Aquazone Plus. A noter également une stérilisation de l'eau opérée au moyen d’une lampe UV de 55W de marque DE BARY AQUARISTIK.
Les sorties des écumeurs sont dirigées dans la cuve technique de faible hauteur dans laquelle les petits matériels sont logés (chauffages, sondes, capteurs de niveau…). La remontée vers le bac principal se fait par une pompe Black Devil de 12000 l/h.
A l’extérieur de la maison, un cabanon héberge les réserves d’eau douce et d’eau salée pour les changements d’eau ainsi que les refroidisseurs de marque Teco. Les changements d’eau sont réalisés très facilement grâce au jeu de vannes mentionné précédemment. L’évacuation a lieu depuis le décanteur directement vers les eaux usées et l’eau de remplacement est amenée dans le décanteur grâce d’une pompe présente dans la réserve d’eau salée.
Photo, Hervé ROUSSEAU
Afin de maintenir un taux de calcium et un KH voisins des valeurs naturelles, trois réacteurs à hydroxyde (RAH) Ratz sont utilisés ainsni qu'un réacteur à calcaire (RAC) Aquacare modèle N°4 :
Photos, Hervé ROUSSEAU
Le circuit de supplémentation est en cours de modification car il est assez difficile de positionner stratégiquement les sorties des différents réacteurs et d’optimiser leur utilisation.
Le brassage est effectué par des pompes Tunze, 6 Streams 6100 et 2 Turbelles 7410. Les streams sont disposées de manière à produire un flux circulaire dans le bac, et les 7410 viennent compléter quelques irrégularités liées au décor. Ce brassage est en cours de modification car il est trop violent à certains endroits et trop faible à d’autres. Il faut noter que Claude Hug a très gentiment accepté de donner son avis d’expert sur le postionnement des pompes et ses commentaires sont attendus avec impatience ! Les dimensions du bac et le décor réalisé rendent le brassage particulièrement difficile à optimiser.
Pour finir, l’éclairage du bac est assuré par 9 projecteurs HQI double-ampoule, équipés chacun de 2 ampoules de 400W et 10000K. Un seul spot est équipé d'un panachage d'ampoules 10000K et 14000K, certaines différences étant observées dans la coloration des coraux sous ce projecteur (certains paraissent plus colorés que sous 10000K alors que pour d’autres, c’est le contraire…). 10 tubes bleus Osram 67 viennent compléter cet éclairage et assurent les transitions lumineuses.
Photos, Hervé ROUSSEAU
Afin de gérer au mieux la sédimentation, un système de drainage a été mis en place et tout le décor a été construit sur des grilles plastiques surélevées.Une pompe BlackDevil 12000 l/h aspire l’eau d'un côté, et la sortie est connectée à un tube rigide parcourant le bac sur quasiment toute sa longueur. Ce tube est percé en différents « points » afin de mettre en mouvement les sédiments à l’arrière du décor (cf article « tout savoir sur…la sédimentation »). Ce décor est relativement plat, tombant lentement vers l’avant du bac et ponctué de quelques failles et pinacles.
Une couche de sable de granulométrie très fine (type «sugar») d’une épaisseur de 7 à 8 cm a été placée sur le sol (sauf sous le décor grâce au drainage de fond) dans un but esthétique et afin d’offrir un habitat adapté à certains des animaux hébergés dans ce bac (crevettes Alpheus sp. notamment).
La maintenance de ce bac est simplifiée par une automatisation de la plupart des tâches récurrentes et rébarbatives comme l’osmorégulation, la supplémentation, les changements d’eau, la gestion de la température, la gestion de la sédimentation… La plupart des mesures sont effectuées par des instruments spécifiques (pH-mètre Tunze, Temperature Controler Tunze, Redox-Metre Tunze) et un ordinateur (IKS Aquastar). Les paramètres habituels de l’aquarium sont les suivants :
Température : 26°C
pH : 7.9/ 8.2
NO2/NO3 : Non détectés
PO4 : Non détectés
Calcium : 420 mg/l
KH : 10
Photo, Hervé ROUSSEAU
Les animaux :
Le bac a été conçu pour la maintenance d’un grand nombre de coraux durs à petits polypes (SPS), avec un taux de nutriments dissous aussi faible de possible et un éclairage intense afin de garder la coloration des coraux. Il est clair que les résultats sont au rendez-vous avec même quelques exemples assez impressionnants de boutures « marron » reprenant des colorations intenses sous les yeux ébahis des "donateurs" quelques semaines ou mois après leur transfert ! Un grand nombre d’espèces d’Acropora sont présentes dans ce bac, ainsi que plusieurs spécimens de Seriatopora, Stylophora, Pocillopora notamment. Connaissant par cœur l’histoire de chacun de ses animaux, Gabriel a toujours une anecdote à raconter sur telle ou telle pièce, certaines ayant connu plusieurs aquariums différents et plus de dix ans de captivité.
Photos, Hervé ROUSSEAU
Pour les poissons, les dimensions du bac permettent d’héberger certaines espèces dans des conditions « enfin » adaptées à leurs exigences. C’est ainsi que plus d’une quinzaine d’espèces de chirurgiens vivent en harmonie dans ces 4000 litres, avec des comportements intraspécifiques et interspécifiques très intéressants à observer et une croissance particulièrement rapide des individus juvéniles.
Photos, Hervé ROUSSEAU
Cette croissance rapide est également observée chez les nombreux poissons anges hébergés dans le bac. Certains couples se sont formés comme pour Pomacanthus imperator, Centropyge loriculus ou Apolemychtis xanthopunctatus, grâce au volume important offert. Parmi les poissons anges présents dans le bac, certaines ont une fâcheuse tendance à mordiller les coraux mais la fréquence faible de ces mordillements et le fait que le spécimen touché est rarement le même permet aux coraux de croître sans trop de gène.
Photos, Hervé ROUSSEAU
Parmi les associations tentées mais qui ont échouées, deux Naso elegans adultes ont été introduits, mais au bout d’un mois ils ne se supportaient plus et les batailles régulières ont déclenché chez l’un des spécimens une maladie qui s’est avérée mortelle. Un couple de Labroides dimidiatus a établi sa station de nettoyage dans une des parties du bac, et les poissons les plus gros viennent se faire déparasiter couramment. C’est ainsi qu’on a pu observer un des deux Labroides s’introduire complètement dans la bouche d’un des Naso, lequel prenant une coloration beaucoup plus claire, un signe de sa prédisposition au nettoyage. De nombreux poissons de plus petites tailles ont également été introduits, le plus souvent en couple, comme Amblyeleotris randalli ou Gramma loreto chacun trouvant un habitat adapté dans une des parties de l’aquarium. Les gobies sont bien entendu associés à des Alpheus sp. plusieurs espèces étant présentes dont A. bellulus . D’autres invertébrés vivent dans cet écosystème comme un groupe d’Astropecten typicus qui adopte un comportement reproducteur très régulièrement, ou des Dollabela auricularia âgées de 4 à 5 ans et qui ont un disque oral de plus de vingt centimètres de diamètre.
Photos, Hervé ROUSSEAU
Difficile d’être exhaustif sur les animaux présents dans cet aquarium ainsi que sur les comportements singuliers observés, mais le bien être observé sur un volume aussi conséquent nous fait nous poser des questions sur les conditions de maintenance de certains de ces animaux dans des bacs de taille plus standard !
Dix Questions à Gabriel :
Récifs.org: Bonjour Gabriel, tout d’abord merci encore de nous avoir proposé de présenter ton bac et d’ouvrir ainsi cette nouvelle rubrique avec un bac exceptionnel ! Pourrais-tu nous dire quelles ont été tes principales motivations pour réaliser un bac de ce volume ?
Pour le bonheur des poissons avant tout ! Quels que soient les animaux qu’on décide d’élever, je pense que les conditions de maintenance doivent être notre principal souci… devant l’immensité offerte aux poissons que nous possédons dans leur milieu naturel, j’ai peu hésité devant l’opportunité qui m’était offerte ! La longueur disponible pour leur nage est un élément important dans la maintenance de certaines espèces (Acanthurus sohal par exemple !), j’ai donc choisi de la faire la plus grande possible pour des glaces d'un seul tenant (en standard d'après mes sources) : 6 m...Pour ce qui est de la profondeur, c’est plus standard : 1 m car le bac n’est pas accessible de derrière et avec cette profondeur, c’est déjà difficile d'aller au fond ! La hauteur est de 65 cm afin d’avoir un éclairage important même au fond du bac.
Récifs.org: Quelle a été ta plus grosse déception sur cette réalisation ?
Sur la partie technique il n’y en a pas vraiment eu en réalité… il est sûr que le temps passé a été très important mais plus que nécessaire ! En ce qui concerne le vivant, je pense que la perte d’un de mes deux Naso et le saut du Xanthopunctatus sont les évènements qui m’ont le plus attristé …
Récifs.org: A contrario quelle a été ta plus grande satisfaction (ou plus grande fierté) ?
Le résultat qui est au dessus de mes espérances !! Même si le bac est jeune (un peu plus d’un an maintenant), la bonne santé des animaux, la croissance importante des coraux, le caractère reproductif de plusieurs couples de poissons sont autant d’éléments qui me ravissent chaque jour…
Récifs.org: Quels sont les éléments que tu penses changer ou corriger à plus ou moins long terme et pourquoi ?
Comme vous l’avez bien expliqué dans l’article, le brassage nécessite des changements et des adaptations… même si le résultat global n’est pas mauvais, il peut encore être grandement amélioré et je remercie Claude d’avance pour ses conseils avisés ! L’autre correction que je souhaite apporter est le circuit de supplémentation (RAC et RAH), en particulier la sortie des différents réacteurs.
Récifs.org: Par l’expérience de cette réalisation, y a-t-il des choses que tu conseillerais (et a contrario déconseillerais) à d’autres aquariophiles en phase de conception de bac ?
Pour paraphraser mon ami Jo, il faut tout "calculer...."
Un bac, doit prendre naissance sur du papier...Tout doit être dimensionné au plus juste...Les cotes minimales et surtout les cotes maximales...Par exemple un chauffage ne doit jamais dépasser les capacités du bac, la réserve d'eau douce ne doit pas "rincer" le bac en cas de blocage de l'osmolation...(et la liste est loin d'être exhaustive !). Je pense que le règle du « qui peut le plus peut le moins » peut parfois se retourner contre l’aquariophile lorsqu’une fausse manipulation ou un dysfonctionnement quelconque apparaît mais ça, ça dépend pas mal de l’expérience aquariophile de chacun.
Récifs.org: Quels sont tes «animaux fétiches» et quelle est «leur petite histoire» ?
Ils ont tous une histoire, ou, presque ! Il y a notamment plusieurs espèces d'Acropora qui ont voyagées de bac en bac au travers de boutures, partant de mon ancien bac pour finalement revenir dans celui-ci plusieurs années après alors que j'avais perdu la souche ! Il y a aussi les toutes petites boutures qui deviennent de véritables pièces au bout d’un certain temps, ou encore les coraux qui passent d’un marron «sympathique» chez un détaillant à un corail aux colorations intenses… Pour les poissons, c’est assez varié, mais dès que des couples se forment, ça donne forcément une petite histoire et on y est encore plus attaché !
Récifs.org: La question qui brûle les lèvres de chacun : comment arrives-tu à tenir de telles couleurs, y a-t-il un secret ?
Il n’y a pas de secret je pense...Avant tout, il y a le trio lumière, brassage et écumage afin de se rapprocher des conditions « physico-chimiques » du milieu naturel. Sinon, il y a aussi selon moi la nourriture du bac : une fois par mois, j’offre une « soupe de poissons » maison à mes pensionnaires composée des divers coquillages, mollusques et filets de poissons que je trouve chez mon poissonnier. Le seul problème avec ces nourrissages « riches » est que lorsque certaines souches de parasites sont présentes (Anemonia majano, aiptasia en particulier), leur prolifération est grandement accélérée de par leur opportunisme. Je donnais également régulièrement des nauplies d’artémias dans mes anciens bacs mais j’ai dû essuyer une grosse invasion d’aiptasia accélérée par ce nourrissage. Pour finir, je réalise une supplémentation en iode et strontium.
Récifs.org: Quels sont tes prochains projets aquariophiles ?
Il y'en a plein ! Mais déjà terminer celui-ci... Les finitions, le brassage, le circuit de l'apport du RAC calcaire... Il y'a encore à faire ! Sinon je prépare le lancement d’une culture de plancton dans le but de tenter d’élever certaines espèces de poissons, ayant un couple reproducteur dans un autre bac mais çà… on en reparlera probablement dans un prochain article « Tranches de récif» !
Récifs.org: As-tu des animaux que tu aimerais héberger dans ton bac mais que tu ne possèdes pas aujourd’hui et pour quelles raisons ?
Il y 'a toujours des animaux que l' on désire avoir !!!!! Mais est ce réellement important ? Quoique, un petit Acropora echinata maintenant que tu me le demandes .. ;-)
Récifs.org : Y a-t-il quelque chose que tu souhaiterais rajouter, un remerciement, un clin d’œil ?
Des remerciements à mon ami Joffrey Dislaire, sans lui, je ne serais pas arrivé à ce résultat. Sa contribution approche le zéro défaut !!!! Dommage, qu'il se soit éloigné de ce milieu ;-)) Je souhaiterai également faire un clin d'oeil à Christian Courcier pour ses conseils avisés à mes débuts…
Merci encore à Gabriel pour son accueil toujours chaleureux, le temps passé à préparer avec nous cet article… qui sera sûrement accompagné d’une suite dans les prochains mois… affaire à suivre !
Photos, Hervé ROUSSEAU
Et un grand merci à Nicolas Will pour ce superbe cadeau :
La vidéo du bac de Gabriel, petit format 3.46Mo
La vidéo du bac de Gabriel, grand format 33.9Mo
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Article publié le 20/02/2004 par Hervé Rousseau
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