Les récifs de coraux
a) Les types de récifs coralliens
Les récifs frangeants sont ceux qui se rapprochent le plus des structures côtières qui nous sont familières. Le récif frangeant borde la côte et s'enfonce progressivement dans l'océan, avec des variations de pente et de structure que nous verrons par la suite. La théorie Darwinienne datant de 1842 établit que les récifs frangeants, les récifs barrières et les atolls représentent en fait des étapes successives de la vie d'un récif.
Lorsque les formations coralliennes s'établissent en bordure de côtes et que le niveau de la mer monte (ou que les îles "s'enfoncent " à cause de l'érosion), les coraux continuent à pousser sur les structures calcaires qu'ils avaient déjà établies. Lorsqu'à une certaine distance de la côte, une structure corallienne se forme et continue de croître, cette dernière reste proche de la surface et forme ainsi, parallèlement à la côte, un banc corallien proche de la surface qu'on appelle communément la barrière de corail : on a alors un récif barrière.
Lorsque l'île continue à s'enfoncer, la barrière reste présente et entoure cette dernière, mais après disparition de l'île, il ne reste plus qu'une barrière entourant complètement une zone d'eau : c'est l'atoll.
On trouvera certaines références (Kaplan, 1982 par exemple) définissant d'autres types de récifs, mais ces derniers sont "dérivés" des trois types précédents et nous ne les détaillerons pas ici.
b) Zonation récifale
Au sein d'un récif donné, on peut distinguer plusieurs zones caractéristiques hébergeant des animaux spécifiques… c'est ce qu'on appelle couramment la " zonation " récifale. Chaque type de récif possède ses zones particulières et il est ainsi quasiment impossible de donner une règle stricte pour tous les récifs. Voici donc les principales zones rencontrées dans la plupart des récifs (frangeants, barrière et atolls) :
(1) Le lagon :
Comme on peut l'observer sur la figure précédente, le lagon est une zone de profondeur variable, située entre la côte et les parties plus exposées du récif. Au sein de cette zone majeure, on peut retrouver des habitats spécifiques comme les bordures de mangroves, les herbiers ou les pinacles coralliens (parties rocheuses de hauteur variable hébergeant des invertébrés sessiles adaptés aux conditions locales). La profondeur des lagons peut atteindre plus de 40 mètres mais bien souvent, elle est inférieure à une dizaine de mètres, ce qui suppose une exposition des animaux présents à des intensités lumineuses relativement élevées. Le brassage de cette zone est hautement variable, en fonction notamment de sa connexion avec " la pleine mer ". On considère qu'elle est comprise entre 5 et 40cm/s. Une étude menée sur plusieurs récifs portoricains indique une vitesse moyenne d'environ 7m/s à une profondeur de deux mètres (Angela McGehee, 1998). Les fonds des lagons peuvent être de plusieurs types (sédimenteux, rocailleux, sableux ou constitués d'éboulis) hébergeant ainsi des faunes adaptées. L'abondance du plancton est proportionnellement moins importante que dans les zones externes, tandis que les taux de nutriments dissous sont souvent plus importants. Concernant la population piscicole, elle est relativement variée, souvent de petite taille puisqu'elle est jusqu'à 10 fois moins importante en biomasse que sur les tombants externes. Cependant, elle est plus variée, avec une majorité de poissons herbivores (ce qui est cohérent avec notamment les conditions hydrodynamiques locales) (Goldman et Talbot 1976). Concernant la population corallienne, elle est dans cette zone moins dense et moins variée (Faure et Al 1981, Ross et Hodson 1981).
(2) La pente interne :
Succédant au lagon, parfois considérée comme faisant partie de ce dernier, la pente interne est caractérisée par des courants modérés, une illumination intense et surtout une grande variabilité d'un récif à l'autre. En effet, certains récifs ont une pente interne similaire à une pente externe lorsque les échanges avec l'océan sont importants et les courants relativement forts. Dans le cas des atolls ou de certaines barrières, on peut avoir des eaux turbides proches des conditions de certains lagons. Par contre, pour une pente interne donnée, la couverture corallienne est souvent très importante, induisant une diversité corallienne relativement faible (Ross et Hodson 1981), souvent des coraux du genre Acropora sp. . La population piscicole semble être proche de celles des lagons, avec des poissons de taille assez faible, essentiellement herbivores, mais d'espèces variées (Goldman et Talbot 1976). L'étude précitée indique une vitesse des courants sur la pente interne proche du double de celle rencontrée plus profondément, soit environ 15m/s (Angela McGehee, 1998). Ceci étant, peu de recherches et de campagnes de mesure ont été menées sur cette zone du récif car sa délimitation est discutée, à mi-chemin entre lagon et platier.
(3) Le platier :
Très impressionnante lorsque les marées sont importantes, puisque parfois à découvert pendant plusieurs heures, cette zone du récif est la plus proche de la surface. Elle est la plus proche de la crête du récif, bénéficiant donc d'un brassage très important (zone de " haute énergie "). Elle est peuplée essentiellement par des SPS, de forme massive ou parfois laminaires mais peu divers, qui couvrent quasiment 100% de la surface disponible (Faure et Al 1981, Porter 1974). La quantité de phytoplancton disponible est très faible dans ces zones (Sorokin et Al 1982) et la population piscicole est elle aussi peu variée et réduite (Goldman et Talbot 1976).
Ces répartitions des espèces animales s'expliquent notamment par les conditions assez rudes qui caractérisent cette zone puisque la vitesse des courants atteint couramment les 25 m/s et que la quantité de lumière reçue peut atteindre 900 W/m2 aux heures les plus ensoleillées de la journée (Fournier, 2001). Il est à noter que la température de couleur de nos lampes jouent ici un rôle fondamental : une lumière " artificielle " devant reconstituer l'illumination dans ces zones sera d'une température de couleur " lumière du jour " de 5500-6000K. Dans le cas des zones plus profondes que nous allons voir par la suite, la température de couleur devra être proportionnelle à la profondeur de l'habitat que l'on souhaite reproduire.
(4) La crête récifale :
Les caractéristiques de cette zone, communes à tous les récifs, sont un brassage violent et une insolation maximale. Suivant les régions récifales, les crêtes peuvent être peuplées essentiellement de coraux encroûtants ou massifs avec une couverture proche de celle du platier lorsque la rupture des vagues n'est pas trop violente. Sur certains récifs, la violence des courants est telle que la crête récifale est essentiellement peuplée d'algues calcaires encroûtantes et de quelques coraux de mêmes caractéristiques.
Lorsque les conditions ne sont pas extrêmes, cette zone est intermédiaire entre la pente externe et le platier, avec une population corallienne et piscicole assez variée et importante, les coraux rencontrés étant de taille relativement importante (Colgan 1981).
L'insolation est proche de celle du platier, très élevée et d'une longueur d'onde moyenne, reproduite par des ampoules de type " lumière du jour " à 6000K.
(5) La pente externe :
De toutes les zones récifales, c'est probablement celle dont la biodiversité est la plus importante, en particulier en ce qui concerne les poissons et les coraux. Elle est souvent découpée en plusieurs "sous-zones" en fonction du relief et de la profondeur. Le haut de la pente externe présente des conditions d'éclairement proches de celles de la pente interne, avec un brassage souvent plus important et surtout plus constant (la diminution de la vitesse des courants en fonction de la profondeur est moins importante que dans les zones lagonaires) (Angela McGehee, 1998). Ainsi la caractéristique commune aux différentes zones de la pente externe est un brassage important. Cette pente externe est, dans les premières dizaines de mètres de profondeur, souvent ponctuée de pinacles coralliens de hauteur variable, siège d'une diversité d'espèces remarquable, avec aussi bien des coraux durs que des coraux mous.
Lorsqu'on descend dans des zones plus profondes, l'intensité lumineuse diminue et surtout, les longueurs d'ondes qui "traversent" les profondeurs sont plus représentées. Ainsi, pour reproduire une zone profonde, une température de couleur de 14000K à 20000K est nécessaire. Les formes coralliennes, la diversité des espèces, les populations de poissons évoluent également avec la profondeur, le paramètre essentiel étant la répartition de l'énergie lumineuse. C'est ce que nous verrons plus en détail dans la partie consacrée aux formes des coraux.
Un autre écosystème est souvent rencontré sur les pentes externes : les caves.
Les habitants de ces dernières sont essentiellement des coraux ahermatypiques comme les gorgonnes, Dendronephthya sp., et des poissons comme les Pterois sp. ou Myripristis sp..
En captivité, il est quasiment impossible de reproduire ces écosystèmes, en particulier à cause des besoins spécifiques des coraux sans zooxanthelles.
Les habitats associés :
Les herbiers :
Les herbiers sont majoritaires dans les parties peu profondes des lagons, avec une couche de sable assez épaisse. Ils sont dominés par des plantes marines de type phanérogames. Ces plantes servent de support à des algues, participant ainsi à l'équilibre du récif. Ces herbiers sont les habitats privilégiés de certains coraux LPS comme Catalaphyllia jardinei mais également d'un grand nombre de poissons aux besoins spécifiques comme les hippocampes et les syngnathes. C'est également un " refuge " du récif, tout comme la mangrove, puisqu'un grand nombre d'alevins de poissons s'y installent. Les caractéristiques hydrodynamiques sont celles des lagons avec des courants assez faibles.
La mangrove :
Les mangroves sont rarement considérées comme des zones à part entière du récif, même si elles jouent un rôle important dans la stabilité de l'écosystème puisque les palétuviers extraient la matière organique de l'eau pour croître. Ces forêts de palétuviers sont donc rencontrées dans les zones côtières, et représentent une interface entre le monde marin et le monde aérien. Ces arbres ont une biologie unique qui leur permet de survivre en milieu salin. Les habitants des mangroves sont assez typiques (crabes violonistes par exemple) et survivent à des conditions parfois saumâtres. Cet écosystème adjacent au récif permet ainsi le développement d'une population spécifique et participe à la vie du récif, en particulier de par son pouvoir de filtration et d'extraction de la matière organique. (voir
l'article détaillé sur la mangrove sur ce site).
c) Distribution géographique des récifs
La région Caraïbe :
Cette région s'étend en latitude du golfe du Mexique au nord de l'Amérique du Sud et longitudinalement de l'Amérique Centrale aux Barbades. La faune est beaucoup moins importante que dans les autres régions récifales et il n'y a pas à proprement parler de vrais récifs. Pour la plupart des familles de poissons et d'invertébrés rencontrés dans cette zone, les espèces sont endémiques et ne sont éventuellement rencontrées que dans la zone Pacifique Est dans quelques cas (échanges entre les deux bassins via le Canal de Panama). Même si la diversité d'espèces n'est pas très importante, de nombreux écosystèmes de cette région Caraïbe sont passionnants à observer et à reconstituer. La plupart des espèces de gorgones symbiotiques viennent de cette région ainsi que des poissons anges très appréciés comme Pomacanthus paru ou Holacanthus ciliaris.
La région Est du Pacifique
Cette zone est relativement proche géographiquement des Caraïbes et par voie de fait, possède une structure et une population assez proche également ; elle s'étend du Golfe de Californie au Pérou. De par sa séparation de l'Indo-Pacifique par les profondeurs de l'Océan Pacifique, peu d'espèces sont communes entre ces deux zones. Les espèces endémiques de cette région sont assez peu connues des aquariophiles puisque très rarement collectées et importées.
La région Ouest de l' Afrique
Elle est de loin la plus réduite de toutes celles citées, s'étendant du Cap Vert à Sao Tomé. La faune présente se rapproche beaucoup de la faune méditerranéenne mais possède également quelques points communs avec les Caraïbes. On y rencontre principalement des coraux du type Madracis, Porites, Montastrea sp. de formes souvent encroûtantes, des gorgones, des éponges et quelques espèces de coraux mous. Plusieurs espèces de murènes y sont présentes ainsi que quelques poissons papillons (Chaetodon luciae par exemple)
La région de l' Indo-Pacifique
Cette zone est la zone très largement majoritaire, possédant de loin la plus grande diversité aussi bien corallienne que piscicole. On estime à 500 le nombre d'espèces de coraux hermatypiques (5 fois plus que dans les Caraïbes par exemple) mais également plus de 400 espèces de poissons. Elle comprend notamment la Mer Rouge, l'Afrique de l'Ouest, l'Océan Indien, le nord de l'Australie et s'étend au nord jusqu'au Japon et à l'ouest jusqu'à Hawaï. Au sein de cette vaste région, de nombreuses espèces sont néanmoins endémiques à certaines " zones " plus petites comme la Mer Rouge par exemple.
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