Les zéolithes en aquariophilie marine
Date: 21 février 2007 à 00:00:00 CET
Sujet: La rubrique d'Aquamag


Zeovit
Aragonite et calcite sont sans conteste les deux minéraux préférés des récifalistes. Mais un nouveau venu commence à se faire un nom : la zéolithe ! Après la méthode vodka, nous vous proposons un rapide tour d’horizon sur cet autre produit à la mode et sur son utilisation en aquariophilie récifale.






Qu’est ce que la zéolithe ?

Ce qui nous intéresse dans la zéolithe, et pour l’usage que l’on veut en faire, tient à ses propriétés physico-chimiques, donc débutons par un peu de minéralogie. La zéolithe est un minérau abondant qu’on trouve dans les roches d’origine volcanique. Le terme zéolithe vient du grec zeo - bouillir - et lithos - la pierre : lorsqu’on chauffe celle-ci rapidement, de la vapeur d'eau s’en échappe et la pierre semble littéralement bouillir. Cela tient à sa nature extrêment poreuse. Cette porosité est une conséquence de la structure cristalline créée par les aluminosilicates qui composent la zéolithe (schéma ci-contre). Il existe d’ailleurs une grande diversité de zéolithes qui se distinguent par la maille de leur structure alvéolaire. Cependant, celle-ci est toujours très fine et bien inférieure au micron dans sa partie ordonnée. Les parties ordonnées sont reliées par de nombreux canaux et cavités de plus grande dimension. Les zéolithes sont donc de formidables tamis moléculaires, à même de piéger physiquement bien des composés. Sèches elles captent les molécules volatiles, immergées elles absorbent le liquide et retiennent certaines molécules. Ce sont ces propriétés sont exploitées dans bien des applications industrielles, agricoles et domestiques pour filtrer l'eau, filter des gaz, fabriquer des dessicateurs et des supports absorbants et/ou déodorisants (la litière pour chat cumule ces deux emplois pour le plus grand bonheur des maîtres). zeolite L’autre aspect incontournable des zéolites réside dans leur capacité à échanger des ions avec le milieu liquide qui les baigne. Les aluminosilicates sont globalement chargées négativement, et ces charges sont neutralisées par des ions positifs (cations) mobiles, la plupart du temps l’ion sodium (Na+) pour les roches naturelles. Dans un liquide tel que l’eau douce qui contient peu de Na+ mais d’autres cations, ceux-ci vont être échangés contre du Na+ et être piégés dans la zéolithe. Cette propriété est exploitée dans le traitement des eaux pour adoucir (échange des ions calcium Ca2+ contre Na+) et purifier (échange des cations métalliques lourds contre Na+, échange de l’ion ammonium NH4+ contre Na+). Inversement, le Na+ peut être échangé dans une solution très riche en ions potassium K+, et cette zéolite chargée en K+ est ensuite utilisée en horticulture pour fournir du potassium aux plantes au niveau du sol. Pour conclure sur les zéolithes, il faut aussi noter qu’elles peuvent être produites artificiellement dans des conditions contrôlées afin d’obtenir la structure désirée: la zéolite ainsi synthétisée peut servir de catalyseur pour des réactions chimiques spécifiques. Cet aspect intéresse plus particulièrement la pétrochimie et la recherche fondamentale.


L’utilisation de la zéolithe en aquariophilie… récifale

L’utilisation de la zéolithe en aquarium n’est pas une nouveauté et trouve son origine dans le traitement des eaux. Les aquariophiles d’eau douce, ou encore les passionnés de bassins de jardin, utilisent la zéolithe depuis fort longtemps… En raison de sa porosité, c’est un excellent support bactérien qui possède en outre la propriété particulièrement intéressante de fixer l’ammonium produit par les poissons et donc de diminuer la concentration en ammoniaque de l’eau ! Certains professionnels de l’aquariophilie l’utilisaient - et certains l’utilisent encore même si d’autres méthodes sont aujourd’hui plus efficaces - pour l’acclimatation des animaux après un voyage important afin d’éliminer l’ammoniaque toxique de l’eau de transport. En aquariophilie marine, il faut d’emblée oublier les capacités d’échange ionique des zéolithes, et cela en raison de la concentration en Na+, K+, magnésium Mg2+ et Ca2+ de l’eau de mer. Tout autre cation minoritaire, notamment NH4+, n’a aucune chance de se fixer de manière stable dans la zéolithe. D’autre part, les ions négatifs tels que nitrites NO2-, nitrates NO3- et phosphates PO42- n’ont pas d’affinité pour les aluminosilicates (ils seraient même « repoussés ») et à cause de leur petite taille, ils diffusent librement dans la structure sans être retenus, tout comme les ions bicarbonates HCO3-. Mais quel peut bien être alors l’intérêt de la zéolithe en aquarium récifal ?


Zeovit
Photo, Christian Seitz

Un indice est donné dans l’Inforécif sur la coloration des coraux: l’appauvrissement du milieux en substances nutritives dissoutes, ou oligotrophie, conduit souvent à une coloration plus importante de certains coraux… l’oligotrophie est l’objectif déclaré des utilisateurs de la zéolithe en aquarium récifal. La naissance de cette méthode "zéolithe" pour favoriser la coloration brillante des coraux est allemande, et la plupart des références sur le sujet sont donc germaniques. Cette méthode de filtration donne les résultats souhaités dans bien des aquariums qui la mettent en application. Cependant il faut reconnaître que tout et son contraire ont été proposés en termes d’explications, ce qui aboutit à une mauvaise utilisation de la zéolithe dans certains cas. L’explication la plus commune repose sur les propriétés d’adsorption de la zéolithe, et donc (sic) sur sa capacité à réduire la concentration de certains composés indésirables comme les phosphates, l’ammoniac et donc les produits de sa décomposition nitrites et nitrates, et bien d’autres encore. Mais les zéolithes n’étant pas sélectives (resic), elles peuvent également retirer des composés utiles au bac, comme le fer par exemple. Ce qui justifie la supplémentation en certains composés pour compenser ce retrait… et ce qui a donné naissance à une industrie florissante avec des dizaines de produits différents liés à une méthode "zéolithe". A notre avis, il convient de bien distinguer les réalités aquariophiles du discours commercial qui s’appuie sur un manque de maîtrise conceptuelle évident autour de ces zéolithes. On a vu que la capacité d’échange ionique était nul en eau de mer; donc ce n’est pas cela qui peut expliquer la diminution de l’ammonium, des nitrates, phosphates et oxydes de fer. Il reste le tamisage moléculaire et le rôle de support bactérien de la zéolite. Les deux aspects sont sans doute primordiaux : l’oligotrophie repose sur une diminution des composés carbonés dissous (déchets organiques très divers d’origine animale et bactérienne) par filtration passive dans la zéolithe, et sur une population bactérienne "en forme" située dans la structure (il a d'ailleurs été montré qu'en eau douce une zéolithe saturée en NH4+ pouvait être régénérée biologiquement par des bactéries consommant l'ammonium au sein même de la structure évitant ainsi d'utiliser une solution saline pour la régénération). En proliférant cette population va consommer les déchets retenus et circulants, et une bonne partie des autres substances nutritives dont les phosphates, nitrates, fer etc…(voir la méthode "vodka"). Pour que cela marche, il faut donc limiter toutes les sources de pollution et conserver un écumage très puissant qui va agir en amont de la filtration zéolithe, et en aval de celle-ci en collectant les déchets bactériens finaux. Et bien sur, il faut changer régulièrement la zéolithe pour exporter la matière organique fixée. Il est recommandé par les gens qui maîtrisent cette technique de ne mettre en place cette filtration qu’en complément de la méthode berlinoise: on saisit tout le sens de ce conseil puisqu’ajouter une filtration zéolithe sur un bac déjà riche en matière organique (DSB, Jaubert, bac sous-écumé) ne conduirait in fine qu’à augmenter les déchets liés à l’activité bactérienne et à "saturer" très rapidement et inutilement la zéolite. Des changements d’eau plus abondants qu’en berlinois classique sont recommandés, très probablement pour complémenter la surconsommation d’oligoéléments. Des ajouts d’autres produits et de bactéries sont recommandés. Le souci majeur de cette méthode repose entièrement là : on agit sur le milieu sans pouvoir l’analyser et quantifier objectivement les changements. Il faut donc y aller lentement en se fiant à l’aspect des animaux. Certains y arrivent, d’autres ayant moins d’intuition n’y arrivent pas, et des pertes sévères ont été rapportées.


Comment utiliser la zéolithe en aquarium récifal ?


Zeovit
Photo, Christian Seitz

Il découle de ce qui vient d’être écrit précédemment, qu’il faut être prudent et s’en tenir, au moins au début, à une méthode et à des produits éprouvés, de préférence en bénéficiant de conseils venant directement de quelqu’un qui a réussi - et pas à peu près ou pas mal réussi, mais complètement c’est à dire en n’enregistrant aucune perte, une croissance maintenue des coraux et un vrai changement dans la coloration de ceux-ci. Il faut éviter en particulier de démarrer un bac avec cette méthode. Il faut d’abord maîtriser la méthode berlinoise et observer une bonne croissance des coraux tout en obtenant des paramètres d’eau parfaits ce qui n’est déjà pas rien. Sur un bac jeune et lorsque le récifaliste a peu d’expérience, l’équilibre du bac est souvent instable, et l’utilisation de ce type de produits peut avoir des conséquences inattendues, le plus souvent néfastes. Lorsqu’on choisit d’utiliser la zéolithe, deux écoles s’affrontent : la première préconise un respect strict des préconisations des fabricants, avec tous les investissements et ajouts empiriques, mais relativement bien définis, que cela implique dans la majorité des cas. La seconde est de se contenter des propriétés basiques de filtration de la zéolithe et de l’utiliser comme le charbon actif, avec mesure et sans ajouts. Pour un bac correctement nourri et dont les changements d’eau sont effectués avec rigueur, cela peut sans doute marcher. Mais on ne saura jamais si on a exploité au maximum les possibilités du système. L’ajout d’autres produits annexes dont la composition n’est pas précisée - une constante très irritante dans notre loisir - pourrait avoir une importance certaine en fournissant aux coraux des éléments nutritifs malgré l’extrême oligotrophie du milieu. Quel que soit votre choix, nous vous conseillons d’utiliser un filtre à passage forcé, à lit fluidisé - si la granulosité de la zéolithe s’y prête - ou un de ces modèles qui permettent d’agiter régulièrement le substrat grâce à un piston (visible sur la photo ci-dessus), afin de bénéficier au mieux des capacités de filtration de la zéolithe. Une autre règle incontournable est de n’augmenter que très progressivement la quantité dans le réacteur. L’observation attentive des animaux de l’aquarium doit permettre d’observer les effets, positifs ou négatifs, de l’utilisation de la zéolithe. Il convient aussi de réaliser des tests précis et répétés pour connaître l’évolution des paramètres principaux de l’eau.


Deux exemples de bacs filtrés sous zéolithe
Le premier, celui d’Antoine D., est présenté ici : le bac d’Antoine
La zéolithe est ici utilisée en passage forcé dans un filtre maison, combinée d’ailleurs à du charbon actif, sans aucun ajout autres que ceux pratiqués avant l’utilisation de zéolithe. Les résultats sont assez significatifs… Le deuxième, celui de Christian C. est présenté ici : le bac de Christian
Des photos comparatives permettent de voir, sur certains coraux, les résultats de ce changement. Ce deuxième exemple est intéressant car l’aquariophile a respecté le protocole donné par le fabriquant avec tous les ajouts spécifiés…et là aussi, les résultats sont intéressants !



La zéolithe : une pierre… précieuse ! Ce que ça coute.

Lorsque l’on cherche à suivre une des méthodes « zéolithe » connues et éprouvées, on se trouve rapidement confronté à un problème non négligeable: l’investissement ! Tout d’abord un investissement en temps : la mise en place demande beaucoup d’efforts d’observation et de nombreuses mesures … Efforts qui se poursuivent dans le temps par les changements d’eau, les nombreux ajouts à réaliser, et les changements réguliers de la zéolithe, notamment. En plus de cet investissement en temps, il va vous falloir également sortir quelques « menus » deniers, et les produits ne sont pas à la portée de toutes les bourses ! Pour appliquer les méthodes recommandées, il va d’abord falloir investir dans la zéolithe bien entendu, mais aussi dans un filtre à lit fluidisé (ou à piston), dans des produits de démarrage, dans des solutions nutritives pour entretenir la population bactérienne, et dans des produits de supplémentation (fer, acides aminés, etc…).


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Photo, Christian Seitz

Il faut également noter que l’augmentation préconisée de la fréquence et du volume des changements d’eau a aussi un coût non négligeable en temps et en argent. Mais le plus frustrant ne réside pas forcément dans le coût global de la méthode (qui pour ceux qui recherchent la couleur à tout prix n’est pas un frein, au vu des investissements déjà réalisés pour l’écumage, l’éclairage et le brassage)… c’est surtout de "consommer" des produits dont la nécessité n’est pas démontrée! Le dernier point à considérer concerne l’aspect éphémère de la méthode : il suffit d’arrêter la zéolithe pour que les bénéfices disparaissent rapidement. Ce qui est regrettable, c’est que ces investissements seraient souvent plus utiles pour une amélioration de l’équipement de base, encore trop juste chez bien des aquariophiles, plutôt que pour des produits de filtration destinés à aviver les couleurs des coraux… ce n’est pas parce qu’un corail est marron qu’il se porte mal ! Cette course vers l’oligotrophie est donc par certains aspects discutable et constitue une philosophie qui n’est pas forcément partagée par tous les aquariophiles, en particulier les plus expérimentés. Certes, une majorité de coraux aux couleurs éclatantes rend le "tableau" particulièrement attirant à l’œil, mais est-ce proche de la réalité ? La plupart des bacs à tendance oligotrophique ont également une tendance à la surpopulation corallienne. Surpopulation qui n’est pas aussi dangereuse pour l’équilibre du bac qu’une surpopulation piscicole par exemple, mais qui rend l’aquarium particulièrement éloigné de la réalité des récifs (dont la diversité corallienne sur une surface comparable est beaucoup plus faible). Quelle sera la tendance de demain : des bacs "épurés", endémiques et écotypiques avec des décors, des populations et des scènes proches de la réalité, avec une maintenance allégée, ou bien des bacs "tableaux" avec une densité corallienne élevée, et des couleurs toutes plus vives les unes que les autres, au prix d’équipements toujours plus complexes et une maintenance très (trop ?) contraignante ? Nous pensons que la simplicité est un gage de réussite sur le long terme, en aquariophilie comme dans tant d’autres domaines.



Article écrit par Florian Lesage & Hervé Rousseau et publié par Récifs.org le 21/02/2007


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Cet article est paru dans Aquarium Magazine n° 222 après édition de la rédaction n'engageant pas la responsabilité des auteurs.


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