Dans la liste des auxiliaires utiles pour la lutte permanente contre les algues en récifal, les oursins sont un choix intéressant, mais le rajout d'un peu de piquant dans nos aquariums n'est pas toujours sans problème.
Dans ce grand groupe que forment les échinodermes, on trouve dans le commerce et dans nos aquariums des Astérides (étoiles de mer) des Echinoïdes (oursins), des Ophiurides (ophiures), des Holothurides (concombres de mer) et moins couramment, du fait de la quasi-impossibilité de les maintenir à long terme, des Crinoïdes (comatules). Les échinoïdes répondent en tous points aux caractères spécifiques de ce groupe qui sont : une symétrie pentaradiale, un squelette constitué de plaques de carbonate de calcium, un système vasculaire hydraulique et les tubes ambulacraires associés, ainsi qu'un système nerveux non centralisé.
Un peu d'anatomie :
Les oursins ont une forme sphérique ou ovoïde pouvant être aplatie aux pôles. Leur squelette, le test recouvert d'un épiderme, est formé de 5 plaques calcaires symétriques, généralement soudées ensemble, ayant une ouverture en haut et une en bas. Ces plaques sont garnies de 5 rangées d'épines allant de la bouche à l'anus. Les épines ne sont pas toutes de la même longueur et celles de la partie inférieure sont plus courtes. Les épines servent à la défense, à la locomotion et à l'interception éventuelles d'algues dérivantes. Entre chaque rangée d'épines se trouvent des tubes ambulacraires, plus longs que chez les étoiles de mer, qui sont utilisés pour le déplacement, ainsi que des pédicellaires qui servent à la défense, à la capture et à l'acheminement de la nourriture vers la bouche. Les épines, souvent venimeuses, sont articulées à l'aide de muscles sur des petits dômes faisant partie du squelette. Celles de la partie inférieure, à proximité de la bouche, sont plus courtes et participent activement à la locomotion en faisant levier pour soulever l'oursin au-dessus du sol. Les tubes ambulacraires, répartis en cinq rangées entre les épines et étant plus nombreux sur la face inférieure, sont dotés de muscles et d'un système adhésif à deux glandes permettant aux tampons situés à leur extrémité d'adhérer ou non au substrat. Ces tubes ne servent pas uniquement aux déplacements mais aussi pour creuser, et en tant que récepteurs sensoriels. Entre les épines et les tubes ambulacraires on distingue les pédicellaires qui sont des petites pinces armées de trois dents et de glandes au venin particulièrement toxique comme chez les Toxopneustes sp.
Sur la face supérieure on peut distinguer plusieurs orifices souvent colorés. Il s'agit des gonopores par lesquels les oursins expulsent leurs gamètes issus de leurs gonades, du madréporite qui sert à alimenter le système vasculaire hydraulique et de l'anus qui forme souvent une protubérance. Cet anus translucide, que certaines personnes confondent parfois naïvement avec un oeil, peut se rétracter mais le fait qu'il soit proéminent permet aux déchets organiques d'être expulsés loin du madréporite et de la bouche. Le madréporite est un conduit pourvu de cils qui font pénétrer l'eau de l'extérieur permettant d'équilibrer le fluide interne du système vasculaire.
Système digestif et alimentation :
Photo, Christian SEITZ
L'orifice buccal possède une mâchoire articulée complexe connue sous le nom de " lanterne d'Aristote " leur permettant de racler efficacement les pierres et d'en arracher les algues qui les recouvrent. Cette lanterne est une pyramide à cinq faces formée de dents mobiles grâce à des muscles et des ligaments. La lanterne aussi se déplace de haut en bas pour poser la pyramide en position ouverte sur le tapis d'algues convoité. Les dents s'avancent pour fermer la pyramide comme un diaphragme et la "lanterne" remonte en arrachant les algues par un mouvement de levier. Ces plaques calcaires qui servent de dents s'usent et poussent continuellement pour compenser leur usure.
L'intérieur de la bouche se prolonge par l'oesophage et l'intestin qui remonte dans la sphère le long des parois, fait le tour du squelette à l'intérieur de l'animal en suivant une ligne équatoriale et reprend son chemin jusqu'en haut pour finir par l'anus. Simple et efficace ! En grattant les pierres, ils incluent dans leur menu des micro-organismes, des ascidies, des bryozoaires et des éponges mais certaines espèces sont capables de capturer et de manger des poissons et des invertébrés. Quand le bac est dépourvu d'algues tendres, l'oursin s'attaque aux corallines. En décapant les pierres de leurs corallines, les oursins préparent un terrain favorable à la pousse d'algues diverses qui ne tardent pas à envahir la roche ainsi dégagée. Une forme d'agriculture en quelque sorte ! Dans un bac où les algues ont pratiquement disparu, les oursins risquent de mourir de faim. Un apport alimentaire ciblé peut être nécessaire à ce moment là. Des flocons (Tetramin par exemple) peuvent servir de substitut et une pierre vivante neuve ou provenant d'un bac contenant des algues peut être offerte de temps en temps.
On ne connaît pas bien les différents régimes alimentaires des oursins et c'est une autre difficulté pour les maintenir longtemps dans nos bacs. Voici une recette simple (Dale B.Bonar : Sea Urchin Cookies) utilisée dans un laboratoire pour garder en bonne forme les sujets d'études : Faire bouillir 1 litre d'eau osmosée et y ajouter 40 gr d'agar agar (ou de gélatine alimentaire en doublant les doses prescrites sur l'emballage). Laisser refroidir à environ 60° puis mélanger 40 gr de flocons, Tetramin ou autre, y ajouter un oeuf dur broyé avec sa coquille, une carotte et une branche de céleri hachées. Laissez refroidir. Découpez ensuite en petits cubes et emballez les dans de la cellophane ou des sacs de congélation et conservez les au congélateur jusqu'à utilisation.
Photo, David EXCOFFIER
Reproduction :
Les cinq gonades, de haut en bas des parois intérieures de l'animal, suivent le même tracé que les rangées d'épines à l'extérieur et finissent par une ouverture à leur extrémité supérieure, les gonopores. Entre ces gonades le système vasculaire apparaît sous forme de lamelles. Le corps de l'oursin est creux ce qui laisse beaucoup de place aux gonades pour se remplir de laitance jusqu'à occuper pratiquement tout l'intérieur de l'animal en période de reproduction. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'ils font l'objet de prédation, les gonades étant riches en protéines. Les oursins sont sexués mais sans dimorphisme et il n'est pas rare de voir ces animaux relâcher leurs gamètes en aquarium ce qui est un bon moyen pour reconnaître les sexes. Les mâles libèrent du sperme dont l'apparence est laiteuse tandis que les femelles libèrent une substance à l'aspect granuleux de couleur beige/marron à orange composé de minuscules oeufs. Les pontes ont lieu au début de l'hiver et peuvent être en aquarium la conséquence d'un changement d'eau important ou d'une baisse de salinité ou de température. Dans leur milieu naturel, les oursins se rassemblent en obéissant à des signaux naturels et environnementaux. Ils émettent des signaux chimiques quand ils sont prêts à pondre. La fertilisation est toujours extérieure et les larves, dont la symétrie est bilatérale à ce stade, ont une existence planctonique se nourrissant d'algues unicellulaires et se déplaçant en pleine eau à l'aide de cils. Dès que ces larves deviennent benthiques, elles acquièrent une symétrie pentaradiale.
Prédateurs :
Les oursins sont des animaux nocturnes qui passent la période diurne à l'abri des prédateurs dans des crevasses ou sous des pierres. Ils peuvent également se réunir en groupe à des endroits exposés faisant un tapis d'épines ce qui est une technique de défense assez efficace. Cela n'empêche pas les diodons et les balistes d'en faire un de leur menu préféré. Leur tactique consiste soit à se saisir d'un piquant pour arracher l'animal du substrat, soit de souffler suffisamment fort sous lui pour le retourner afin qu'il offre sa partie la plus vulnérable, là où les épines sont les moins longues et les pédicellaires plus rares. Le poisson plonge gueule ouverte en brisant sa coquille pour se nourrir des gonades. Parmi les autres prédateurs, il y a les otaries, les tortues, des étoiles de mer, des crabes, et des décapodes comme les langoustes. Une chute accidentelle dans une anémone leur est fatale. La race humaine fait partie des consommateurs. Les Japonais apprécient la laitance, mets de choix qu'ils incorporent aux " sushi " et l'élevage d'oursins pour l'alimentation est un commerce lucratif. Des élevages sont spécialisés sur quelques espèces, en particulier l'oursin rouge Strongylocentrous franciscanus réputé pour être le meilleur au goût, l'oursin mauve S. purpuratus, et S. droebachiensis l'oursin vert dont les reproductions sont parfaitement maîtrisées. Les oursins pour l'alimentation ont donné lieu à des pêches intensives, et les oursins d'élevage limitent et pallient la prédation humaine. En fait les eaux territoriales japonaises ne suffisent plus à la demande et leur consommation vient principalement de l'importation en provenance d'élevages de la côte Ouest des Etats-Unis.
Photos, David EXCOFFIER, Hervé ROUSSEAU
Maintenance en aquarium récifal :
L'aquariophile récifaliste est tenté d'ajouter dans son bac des oursins pour diverses bonnes raisons. Ce sont des herbivores incomparables qui se repaissent d'algues filamenteuses peu prisées des autres herbivores traditionnels que sont les poissons, les escargots et les bernard l'ermite. L'association d'oursins Diadema sp. avec des poissons comme des apogons et plus particulièrement Pterapogon kauderni ou des Aeoliscus offre un spectacle reproductible au même titre qu'une anémone et ses poissons clowns ou des gobies avec des Alpheus. Mais malheureusement ces animaux procurent quelques désagréments. Ils sont souvent difficiles et même dangereux à manipuler et à transporter. Les épines des Diadema sp. sont venimeuses et on se souvient longtemps des difficultés que l'on peut avoir à se débarrasser des pointes des piquants fichées dans une main ou dans un pied. Ils mangent toutes les algues y compris les corallines laissant derrière eux de longues traînées blanchâtres assez déprimantes pour l'amateur, celles-ci étant en général une fierté pour lui. Le fait qu'ils participent ainsi à la maintenance du TAC est une mince consolation. Adieu également aux caulerpes et autres algues supérieures. Les oursins crayons se comportent comme des bulldozers et font s'écrouler le décor, s'il n'est pas solidement arrimé, ainsi que les coraux. La plupart des espèces restent invisibles la journée et ne sortent que la nuit. Les pédicellaires des Toxopneustes ont des glandes dont le venin peut vous conduire tout droit à l'hôpital, voir au cimetière.
Comme vous pouvez le constater ce n'est pas un choix sans risque de vouloir introduire ces animaux dans nos bacs ! Comme tous les échinodermes, ceux ci ont besoin d'une eau à une densité comprise entre 1024 et 1026 à une température comprise entre 24° et 28° . Ils ne doivent pas être exposés à l'air libre la face orale sur le dessus car ils sont susceptibles d'avaler de l'air et d'en mourir. Ils doivent être manipulés avec beaucoup de précaution à cause des dangers qu'ils peuvent vous faire encourir.
Le plus classique, et celui que l'on trouve le plus facilement dans le commerce aquariophile, est Diadema setosum (http://www.livingreefimages.com/LRI731.JPG) aux longues épines noires et aux orifices colorés. Insistez pour que le sac de transport soit doublé car le risque de se retrouver avec un sac percé est bien réel ! Cet oursin atteint une taille de 20 cm et est la nurserie idéale pour les alevins de P.kauderni ainsi qu'un refuge pour les Aeoliscus dans un bac de type lagunaire.
Photo, Julien THEODULE
Echinothrix diadema (http://coralreefnetwork.com/marlife/inverts/f403.jpg) et Diadema antillarum sont des oursins similaires qui peuvent servir d'hôtes à ces poissons.
Diadema savignyi est assez ressemblant à D.setosum et l'on peut les confondre. Même taille et même sorte d'épines, seules les couleurs et la forme des orifices génitaux diffèrent. Ces oursins font partie des mangeurs de corallines même si leur préférence va aux jeunes pousses de caulerpe et aux algues filamenteuses mais ils sont assez délicats avec le décor et restent visibles pendant la journée. Leurs épines sont venimeuses et il faut être prudent. Leur venin n'est pas toxique pour l'homme mais les piquants se cassent dans les chairs et il est difficile de les extraire.
Echinothrix calamaris (http://www.livingreefimages.com/LRI266.JPG) est un autre Diadematidé superbe. Sa couleur de base est rouge avec des épines rouges ou blanches cerclées de bandes noires. Son anus très proéminent à une forme parfaitement sphérique et est bariolé tandis que les orifices des gonades sont bleu fluorescent. Dans la même famille, très beau mais également rarissime à la vente, Astropyga radiata.
Plus faciles à transporter, les oursins-crayons ( Cidaridés et Echinométridés) sont plus brutaux et choisissent un abri en se servant de leurs piquants pour se caler entre les pierres avec les risques d'éboulement que cela comporte. Si leurs formes sont attirantes, ils sont peu ou pas herbivores et peuvent s'en prendre aux coraux mous comme les Xenias et aux animaux comme les crevettes, bernard l'ermite et poissons de petite taille. Leur manipulation est rendue dangereuse à cause des pédicellaires au venin très toxique.
Eucidaris metularia et E.tribuloides (http://www.livingreefimages.com/LRI727.JPG) atteignent une quinzaine de centimètres adulte et en sont de parfaits exemples.
Heterocentrus mammillatus (http://coralreefnetwork.com/marlife/inverts/i12.jpg) et Phyllacanthus imperialis sont plus rares dans le commerce aquariophile car ils sont victimes de la beauté de leurs " crayons " colorés. Ces jolies épines aux bouts arrondies sont de teinte marron à beige et cerclées d'anneaux blancs, et on les retrouve sous forme de colliers dans les commerces exotiques.
Photo, Christian SEITZ
Les Echinoides suivants sont sûrement parmi les plus recommandables dans un bac récifal. Leur format de 8 à 12 cm, leurs épines courtes d'environ 1cm, leurs couleurs et leur habitude de se couvrir des débris qu'ils peuvent rencontrer sur leur chemin en font des hôtes parfaits et fascinants à observer. Ils ne consomment que des algues et on les appelle des " collecteurs " car ils ramassent des bouts de coquillages, de pierres et tout ce qu'ils peuvent porter sur leur dos pour se camoufler. Précaution supplémentaire pour pallier au peu d'envergure de leurs piquants
Mespilia globulus (Toxopneustidé) reste d'une taille modeste de 8 cm, sa peau bleue et ses piquants couleur rouille en font un hôte très recherché mais trop rare dans le commerce. Les américains lui donnent comme petit nom : l'oursin en smoking bleu , " the blue tuxedo sea urchin ", en hommage à son élégance !
Tripneustes gratilla (Temnopleuridé) atteint 12 cm, sa peau marron/bordeaux et ses épines rouges et blanches est proposé à la vente plus couramment.
Photo, Christian SEITZ
Tripneustes ventricosus et Lytechinus variegatus peuvent dépasser les 12 cm et leur alimentation comprend, en plus des algues, du micro-plancton et les restes de nourriture distribuée aux poissons. Leur plus grande taille peut provoquer des éboulements.
Dans la famille des Echinométridés on trouve également de petits oursins utiles et discrets dans nos bacs récifaux dont la taille ne dépasse pas les 6 à 8 cm.
Photo, Christian SEITZ
Echinometra mathaei et E.lucunter s'enfoncent dans une crevasse toute la journée et ne sortent que la nuit. Leurs piquants sont courts et souvent avec les pointes de couleur blanche alors que la coloration générale est brune à beige. On les voit peu dans le commerce européen et ils arrivent parfois dans un lot de pierres vivantes où nous pouvons les découvrir par hasard au cours d'examens nocturnes à la lampe de poche.
Pour en savoir plus :
Indo-Pacific Coral Reef field guide
Dr. Gerald R.Allen et Roger Steene
L'Aquarium Récifal Tomes 1 et 2
J. Charles Delbeek et Julian Sprung
There is No Reason to Be Spineless
par Ronald L. Shimek Aquarium Frontiers - http://www.aquarium.net/0497/0497_1.shtml
Pincushions and Tuxedos: Urchins
par Ronald L. Shimek Aquarium Frontiers -
http://members.home.net/kevdone/AF/Articles.html
Marine Invertebrates of Hawai'i
http://coralreefnetwork.com/marlife/inverts/echinoid.htm
Reef Janitors - Part II: Shrimps, Crabs & Sea Urchins (Continued)
By Stan & Debbie Hauter
http://saltaquarium.about.com/pets/saltaquarium/library/weekly/aa052899c.htm
Newsgroups: rec.aquaria (forum)Subject: Urchins
Urchins
Echinodermata : Spiny-skinned animals: sea urchins, starfish, and their allies
http://phylogeny.arizona.edu/tree/eukaryotes/animals/echinodermata/echinodermata.html#TOC1
Sea Grant Extension Program Publication : Sea Urchins
http://seaurchin.org/Sea-Grant-Urchins.html
Welcome to the Urchin Web!
http://kibak.monterey.edu/~urchin/urchinweb.html
Trade & environment Database
http://gurukul.ucc.american.edu/TED/URCHIN.HTM#r1
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Article publié le 26/11/2003 par Christian Seitz ;
Cet article est paru dans Aquarium Magazine n° 178, de Février 2001 (après correction de la rédaction n'engageant pas la responsabilité de l'auteur), ainsi que sur le site de l'ARA.
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