Je me rappelle d’un endroit à Sulawesi qui avait retenu mon attention. Il y avait plusieurs espèces d’anémones vivant dans le même biotope. Il y avait des Heteractis magnifica et des Heteractis crispa, des Entacmea quadricolor et des Macrodactyla doreensis, des Stichodactyla mertensii et des Stichodactyla gigantea. Bref cela semblait le biotope parfait pour presque toutes les espèces d’anémones. C’était au sommet d’un récif du large entre 2 et 8 mètres de profondeur, soumis à de forts courants, mais protégé des grosses tempêtes. L’eau y était très claire. Le sommet du récif était composé de débris de coraux cassés (probablement dûs à un dynamitage intensif plus d’une dizaine d’années auparavant), et était recouvert de coraux mous (Sarcophyton sp. et Lobophyton sp. ) et d’ anémones d’espèces différentes avec des clowns aussi d’espèces différentes.
Cryptodendrum adhaesivum :
Elle vit souvent juste avant ou juste après la crête des récifs, souvent dans des endroit agités, dans quelques mètres d’eau. On la trouve souvent au pied de patates de coraux ou partiellement enfouie sous une pierre. Toujours en association avec Periclemenes brevicarpalis et souvent Thor amboinensis et Neopetrolisthes sp. Rarement mais quelquefois avec Amphiprion clarkii.
Elle est toujours grise avec le bord et la bouche rose, quelquefois verte.
Entacmea quadricolor :
Deux grands schémas de distribution reviennent souvent :
- De toutes petites anémones par centaines, sur plusieurs mètre carrés dans quelques mètres d’eau, dans des rochers ou entre des coraux, donc souvent sur le haut de la pente externe. Le plus souvent en association vec Amphiprion melanopus ou Amphiprion frenatus. Cela forme de grosses colonies d’anémones d’à peine une dizaine de centimètres de diamêtre. Cette colonie héberge souvent aussi une colonie de clowns.
- Plus profond, de plus grosses anémones solitaires, accrochées à une pierre au milieu d’une étendue de sable, au pied du récif. Les formes rouges sont de ce type là, les vertes aussi. On peut les trouver jusqu'à 30 m de profondeur, le plus souvent en association avec Premnas biaculeatus. Les rouges viennent souvent du nord-est de Sumatra où on les trouve associées avec le P. biaculeatus variété « Gold ».
Entacmea quadricolor avec Amphiprion clarkii, à Sumbawa.
Photo, Vincent CHALIAS (www.amblard.fr)
Heteractis aurora :
Cette espèce, même si sa répartition géographique est étendue, est toutefois peu commune. En provenance d’Indonésie, elle est souvent confondue avec les jeunes Macrodactyla doreensis, qui peuvent avoir des tentacules du même type.
Elles sont souvent enfouies dans le sable, le pied attaché profondément à une pierre, ou alors dans des squelettes de coraux morts cassés, sur la pente externe ou dans les lagons profonds.
Heteractis crispa :
Cette espèce est assez commune en Indonésie, on la trouve souvent au milieu de coraux branchus de type Acropora sp. où elle s'est installée. Elle en a souvent tué quelques-uns au passage. Le pied est en général profondément ancré au milieu des coraux. Et si elle est dérangée, elle peut se rétracter en un instant.
On peut la trouver aussi au milieu de graviers ou de squelettes de coraux morts. En général, elle est présente plutôt sur la pente externe et rarement à l’intérieur des lagons. C’est une espèce solide. Il existe une variété violette très recherchée. Certains fournisseurs les teintent artificiellement en jaune.
Heteractis crispa à Sulawesi,
Photo, Vincent CHALIAS (www.amblard.fr)
Heteractic magnifica :
Certainement, comme son nom l’indique, la plus belle des anémones, mais aussi la plus sensible. C’est la reine des anémones, et en reine qui se respecte, elle occupe toujours une position dominante, exposée… On la trouve sur les pentes externes de récifs soumis à de forts courants, d’eau limpide. Bref, elle aime le courant, la lumière et l’eau très propre. Elles sont en général solitaires, mais il arrive d’en trouver des dizaines regroupées et recouvrant quelques mètres carrés. Le pied n’est pas enfoui, et elle n’hésite pas à se promener afin de trouver le meilleur endroit. Ses tentacules sont appréciés de nombreux poissons papillons, et elle se rétracte pour former une boule lorsqu’elle se sent menacée.
Quelques variétés sont plus recherchées, comme celles toutes rouges, ou avec les pointes bleues. Le pied est souvent bien coloré, mais les tentacules le sont beaucoup moins. Sa maintenance et son transport sont difficiles. Elles souffrent vite du manque de courant et de lumière dans les bassins des exportateurs.
Heteractis magnifica, varieté bleue assez rare, avec Amphiprion perideraion, à Sulawesi,
Photo, Vincent CHALIAS (www.amblard.fr)
Heteractis magnifica avec Amphiprion ocellaris en position défensive, Sulawesi,
Photo, Vincent CHALIAS (www.amblard.fr)
Heteractis malu :
Cette petite anémone n’est pas très courante en Indonésie, c’est à Hawaii qu’on la rencontre le plus souvent. A cause de sa taille, on la trouve souvent associée avec des juvéniles de clowns ou de demoiselles. On la trouve souvent derrière la barrière ou sur la pente externe, enfouie dans des zones sédimentaires ou dans des graviers entre les différents rochers et coraux. Elle peut être collectée à pied à marée basse sur certains endroits. Certains spécimens violets ou verts, provenant souvent de zones plus profondes au pied de la pente externe, sont très recherchés.
Heteractis malu à Nusa Penida,
Photo, Vincent CHALIAS (www.amblard.fr)
Macrodactyla doreensis :
La plus courante des anémones, et aussi la plus colorée et la plus solide. On la trouve en général en eau peu profonde, dans du sable, de la vase ou parmi des squelettes de coraux morts. Le pied est en général attaché à un objet enfoui dans le sable. Elle se rétracte vite pour disparaître dans le sable lorsqu’elle est menacée. Mais en général, elle est facile à retrouver car le pied n’est pas enfoui très profond. Il suffit de creuser 20 cm en général sans trop soulever de sédiments pour retrouver la pierre sur laquelle elle est attachée. Cela demande un tour de main à prendre.
On la trouve dans beaucoup de couleurs différentes : marron, vert, violet, blanc, rose, blanc et bleuté, et de nombreuses combinaisons. Certains spécimens ont les tentacules en tire-bouchon !
Macrodactyla doreensis avec Amphiprion clarkii, à Sulawesi.
Photo, Vincent CHALIAS (www.amblard.fr)
Stichodactyla gigantea :
C’est une espèce sensible qui aime la lumière. On la trouve en général dans les endroits peu profonds et soumis à de fortes marées. Sur du sable, du gravier et même de la vase. Dans les lagons, les herbiers, les zones sédimentaires peu profondes… Elle peut disparaître dans le sable très rapidement, et elle est difficile à collecter. Les tentacules collent énormément, le pied est glissant et elle se déchire facilement. Bref le cauchemar du collecteur et du vendeur ! De plus, la moindre blessure s’infecte, et l’anémone succombe souvent à ses blessures. Certains exportateurs placent au fond de leurs bassins à anémones des moustiquaires, ce qui facilite grandement leur manipulation.
C’est aussi une des espèces qui est souvent teintée artificiellement. Elle est aussi très colorée naturellement : marron, bleue, rose (très rare), verte ou violette.
Stichodactyla haddoni :
On la trouve un peu partout, sur le sable, la vase, les rochers…, à différentes profondeurs.
Sur les rochers elle est pratiquement impossible à arracher car elle rétracte en un instant pour plonger dans les profondeurs du rocher et disparaître.
Par contre lorsqu’elle est sur le sable ou la vase, on peut la collecter même si cela est assez délicat. Sa manipulation reste difficile, car elle colle à tout ce qui rentre en contact avec elle. Sa piqûre est très douloureuse, notamment sur les avant-bras.
On la trouve en rayée, verte, orange et rouge. C’est une espèce assez solide. La variété rouge atteint des prix astronomiques. Elle provient en général de zone plus profonde.
Stichodactyla mertensii :
C’est l’anémone géante, elle peut atteindre plusieurs mètres. Je me rappelle de certaines que je ne pouvais cadrer dans l’objectif en essayant de les photographier. Elle est rarement collectée, car elle est souvent trop grosse. De plus, elle vit dans les rochers, dans les coraux, où elle peut se rétracter en un instant et disparaître plusieurs mètres à l’intérieur dans un trou de souris, où elle devient impossible à atteindre.
On la trouve en marron ou vert.
La teinture des anémones : Certains fournisseurs teintent les anémones. Pour cela ils prennent des spécimens marrons, qu’ils laissent dans l’obscurité quelques temps afin qu’ils perdent leurs zooxanthelles et que la couleur marron s’estompe. Ensuite, ils utilisent des colorants alimentaires utilisés en pâtisserie. Pour cela, ils versent du colorant dans une bassine, sortent l’anémone de l’eau et la laisse se dégonfler. Une fois que l’anémone s’est vidée de son eau, ils la placent dans la bassine avec le colorant, où l’anémone se regonfle et absorbe le colorant.
Cela se voit rapidement pour un œil averti, mais peu passer inaperçu dans certaines situations. En effet la coloration est rarement réussie à 100% en général, cela laisse des délimitations entre les tentacules, le disque et le pied qui ne sont pas naturelles.
Ces anémones ont une espérance de vie très réduite à cause du stress encouru lors de la manipulation qui s’ajoute à celui de la collecte et du transport. En général, les couleurs les plus utilisées sont le jaune (il n’existe pas d’anémones naturellement jaunes !), et maintenant on voit apparaître des animaux bleus ou roses. Les anémones les plus teintées sont Heteractis crispa, Heteractis malu et Stichodactyla gigantea.
Les anémones sont difficiles à manipuler, il faut utiliser des gants (surtout pour protéger le dessous des avant-bras), utiliser une raclette pour séparer le pied petit-à-petit du substrat, ou la prendre par surprise d’un coup sec. Recouvrir le fond de l’aquarium de moustiquaire pour les décoller facilement est une bonne solution. Certaines personnes font des réactions allergiques aux piqûres. De nouvelles toxines sont découvertes régulièrement dans les venins des anémones. Si chez un exportateur vous rencontrez un employé « emballé » de sacs plastiques, c’est probablement celui qui s’occupe des anémones !
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Article publié le 26/11/2003 par Vincent Chalias (www.amblard.fr)
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