Deux méthodes récifales mises à nue
a) Les éléments de la réussite, communs aux deux méthodes

i) L'éclairage

Il a pour but premier l'apport d'énergie lumineuse pour la photosynthèse. Les besoins en lumière des coraux sont en effet très importants, et la reproduction de leur ensoleillement en milieu naturel nécessite des technologies de pointe qui sont heureusement aujourd'hui disponibles pour le particulier. S'il reste possible d'éclairer un bac berlinois à l'aide de néons (notamment grâce aux tubes T5), la lampe à iodures métalliques (HQI) reste la reine incontestée des bacs hébergeant des coraux photosynthétiques. Le corail est certes un animal, et se nourrit donc de matière organique, mais il profite surtout de son association symbiotique avec des algues unicellulaires qu'il héberge au sein de ses tissus, les zooxanthelles. En captant l'énergie lumineuse, elles produisent sucres, acides aminés et acides gras qu'elles fournissent au corail.


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Photos, Julien THEODULE

Le choix de l'éclairage fait l'objet d'un chapitre à part entière, mais retenons que le corail se moque de la température (K) de la lumière que vous appliquerez à votre bac. Ce qui est le plus important est la durée de la photopériode (de 10 à 12 h par jour) ainsi que la puissance que vous fournissez à votre bac (en watts). Le choix d'une ampoule 5600K (éclairage plus jaune) ou 10000K, voire plus (éclairage plus bleu) ne vous garantit qu'une "ambiance visuelle" très subjective. Nos habitants sont davantage intéressés par l'aspect du spectre lumineux qui doit reproduire le plus fidèlement la lumière du jour, ce qui est bien difficile à vérifier par nous simples aquariophiles.La lumière fournie au bac est également importante pour tous les processus biochimiques qui s'opèrent dans le bac (activité bactérienne, alguale, etc...)


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Photos, David EXCOFFIER

Le spectre fournit par le HQI est souvent avantageusement complété par celui d'un tube fluo bleu, fournissant ainsi une ambiance lumineuse plus profonde. On pourra par ailleurs allumer et éteindre ces tubes bleus avant et après les HQI (par exemple 1 heure) afin de soumettre les pensionnaires et les divers populations nocturnes (microfaune, crevettes, etc...) et diurnes à des transitions lumineuses non stressantes.

ii) Les Pierres Vivantes

Les Pierres Vivantes (PV) sont la base de l'aquariophilie récifale actuelle. Leur prix parfois élevé se justifie par leur provenance, et parfois par leur préparation dans le magasin où vous les achetez. Ces "roches" sont prélevées au milieu des massifs de coraux naturels, et sont en fait des squelettes de coraux morts, agglomérés et compressés par le temps et la sédimentation, ce qui leur confère une structure extrêmement poreuse. Elles sont chargées de toutes sortes d'organismes microscopiques (bactéries) et macroscopiques (corallines, vers, mollusques, crabes, mantes, éponges, etc...) qui en font un "kit d'amorçage" extrêmement bénéfique - voire indispensable - pour la bonne marche future de l'aquarium récifal. Même si certains organismes doivent être éliminés (crabes, mantes par exemple) car ils sont un danger pour l'aquarium et ses futurs habitants, il est extrêmement important de préserver le maximum de vie sur les PV, et donc de raccourcir au maximum le délai entre la pêche et l'arrivée dans le bac du particulier. Les PV devront être introduites avec précaution, les animaux morts pendant le transport vont se dégrader et entraîner un pic de nitrites, pouvant remettre en cause l'équilibre d'un bac déjà cyclé.

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Photo, Julien THEODULE

L'autre intérêt des PV réside dans leur porosité. L'eau qui va diffuser jusqu'au coeur de la roche va progressivement être débarrassée de son oxygène par le travail des bactéries aérobies présentes à la périphérie de la pierre. Les bactéries situées plus en profondeur vont donc être en contac avec une eau à faible teneur en oxygène dissout, ce qui va les obliger à extraire les atomes d'oxygène contenus dans les nitrates. Ceci permet la dénitratation de l'eau.

Les PV ont donc plusieurs intérêts. Outre qu'elles permettent de reproduire le décor "naturel" d'un récif, elles apportent une grande diversité d'organismes qui ne tarderont pas à croître et à coloniser le bac. De plus, grâce à leur structure poreuse, elles sont un lieu privilégié pour l'activité bactérienne de dénitrification. Leur provenance est classiquement Bali ou la Mer Rouge, et on les choisira de préférence rondes et volumineuses afin de favoriser la désoxygénation de l'eau et la dénitratation.

iii) Le brassage

L'aquariophile est soucieux d'offrir les meilleures conditions de vie aux animaux qu'il héberge. Le récifaliste doit être conscient de l'écotypisme du milieu qu'il reproduit, qui est classiquement fortement brassé.
Il convient d'apporter ici une nuance. En effet, selon que le bac reproduit un environnement de haute énergie comme un platier ou une crête récifale - donc avec des animaux habitués à être fortement brassés comme les Acropora sp. ou encore les Centropyge sp. - ou bien une zone plus calme comme un lagon avec des animaux habitués à des mouvements d'eau plus réduits tels les mandarins ou les coraux durs à grospolypes (LPS), votre brassage devra être adapté en conséquence.

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Photos, Julien THEODULE

Un brassage dynamique de l'eau est la garantie de bons échanges gazeux, d'absence de zones mortes où la sédimentation serait excessive, et de la bonne respiration des divers coraux par élimination du mucus externe qu'ils secrètent et qui les recouvrent en permanence. Le brassage peut être assuré par différentes pompes disposées astucieusement dans le bac. On peut également se servir de kits proposés à la vente pour obtenir des brassages alternés qui créent un volant d'inertie dans le bac dont l'eau se met à tourner dans un sens pendant 10 secondes puis dans l'autre pendant les 10 secondes suivantes par exemple. Il est important de ne pas créer de flux cisaillants dans le bac - en général juste en sortie de pompe - car un animal placé dans ces conditions peut être fortement incommodé.


b) La méthode berlinoise

La méthode berlinoise est certainement aujourd'hui la méthode la plus couramment employée par les récifalistes. Son succès s'explique par ses réussites sur le long terme, sa bonne documentation et sa relative simplicité de mise en oeuvre, pour peu qu'on suive à la lettre les "canons" de la méthode.

i) Les fondements de la méthode

(1) L'éclairage

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Photo, Julien THEODULE

L'éclairage du bac berlinois est puissant : on recommande entre 1 à 2 W/litres. Il est cependant plus correct de parler d'intensité en fonction de la surface éclairée plutôt qu'en fonction du volume. Cela dépend aussi de la profondeur du bac et de la qualité du réflecteur. La puissance recommandée est de 400 à 800W/m2 pour approcher les valeurs naturelles. En effet, le bac berlinois est le bac de prédilection pour les environnements de hautes énergies avec de nombreux Acropora sp.. Ces animaux sont très exigeants en terme de lumière.

(2) Les Pierres Vivantes

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Photo, Julien THEODULE

La quantité de PV doit être suffisant : on recommande entre 10 à 20 kg par tranche de 100 litres. Outre l'apport de microfaune et de corallines, les PV sont le coeur de l'élimination des nitrates dans la méthode berlinoise. Si l'écumeur retire certaines molécules polluantes avant qu'elles ne soient dégradées, certaines entrent tout de même dans le cycle de dégradation de l'azote. La dénitratation effectuée au sein des PV est la clé du maintien d'un taux de nitrates acceptable par les coraux.

(3) Le brassage

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Photo, Julien THEODULE

Le brassage choisi en fonction de l'écotypisme reproduit dans le bac ne doit pas être négligé. Pour un bac de haute énergie hébergeant des SPS, on peut envisager des brassages correspondant à 20 à 30 fois le volume du bac par heure, mais on se limitera à cinq fois le volume du bac par heure si on reproduit un écosystème de type lagon par exemple.

(4) L'écumeur

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Photo, Julien THEODULE

L'écumeur doit être correctement dimensionné en fonction du volume du bac. Il a en effet la lourde tache de retirer de l'eau toutes sortes de molécules organiques avant leur décomposition. Négliger ce poste conduira inévitablement à la ruine du bac à plus ou moins long terme. Il est classiquement placé dans une décantation située sous le bac, afin de garder un espace maximal dans le bac pour ses habitants. Ceci implique donc d'avoir un "bac sous le bac", afin d'y installer les différents organes nécessaires au bac berlinois, comme l'écumeur, le réacteur à calcium, etc...

ii) les voies de recyclage des nutriments

Les nutriments présents dans le système sont susceptibles de suivre deux voies. Soit ils sont "captables" par l'écumeur, et passent effectivement par celui-ci ; dans ce cas, les molécules sont extraites du système via l'écume selon le principe que nous avons décrit. Soit ils ne sont pas captés par l'écumeur et leur dégradation suit le cycle normal de dépôt sur le substrat, puis dégradation par les bactéries en ammonium - nitrites - nitrates, pour être ensuite pris en charges par les bactéries dénitrifiantes contenues au sein des pierres vivantes. En ce qui concerne les autres polluants tel que les phosphates, métaux, etc..., une partie d'entre eux sont extraits via l'écumeur. Les changements d'eau réguliers mais faibles (5% par mois pour l'exemple) peuvent achever le maintien de la qualité de l'eau.

iii) Exemple d'un aquarium de 600 litres en méthode berlinoise

Nous prenons l'exemple d'un bac de moyenne énergie, reproduisant par exemple une pente interne ou un platier "peu agité " afin d'héberger quelques des coraux durs à petits ploypes (SPS) et des coraux durs à gros polypes (LPS) dans les zones plus calme, au fond du bac par exemple. On aura donc besoin de zones très éclairées, ainsi que de zones brassées vigoureusement, et de zones plus calmes. Selon la forme de la cuve, on choisira un éclairage adapté. Les cuves étant généralement en longueur, on prendra pour notre exemple un éclairage en deux points, composé de deux lampes HQI afin de correctement repartir la lumière. Selon la largeur de la cuve - les cuves récifales sont généralement assez larges, on choisira des spots grands angles éventuellement martelés afin d'assurer une réflexion et une diffusion maximale de la lumière vers le bac. Les deux HQI de 250W sont choisis en 10000 K, en raison de la qualité esthétique de l'ambiance lumineuse restituée mais également de sa correspondance à la zone récifale reproduite. Plus on monte dans la température de couleur, plus on simule un environnement profond.


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Photos, Julien THEODULE

On se procurera 100 kilos de PV, avec lesquelles on construira un décor stable comprenant de nombreuses zones plates afin de pouvoir y poser les coraux, à différentes profondeurs. Le brassage devra être équivalent à 8 000 litres par heure, ce qu'on peut obtenir en disposant astucieusement une dizaines de petites pompes de 1000 l/h, ou bien en utilisant une seule, voire deux pompes de forte capacité (6000 l/h ou même 12000 l/h) en privilégiant les flux non cisaillants. On pourra dans ce cas mettre en place un kit de brassage en alternance, afin d'inverser le sens du brassage pendant une période de temps déterminé. Pour des raisons esthétiques, nous choisissons de mettre une couche de un cm d'épaisseur de sable de corail, de granulométrie 3 à 5 mm assez grossier pour ne pas gêner le clochage périodique des sédiments. La surface du bac étant approximativement d'un mètre carré, il nous faudra approximativement 10 litres de sable de corail.

L'écumeur sera choisi pour un volume de 600 litres. On n'hésitera pas à surdimensionner en prenant un écumeur donné pour 800 ou même 1000 litres. Certains écumeurs ont des recommandations de volume qu'il faut aisément diviser par quatre; loin d'être de la publicité mensongère, ces volumes s'entendent si l'écumeur est placé au sein d'une chaîne de retraitement complète de l'eau comprenant filtres décanteurs, perlon, etc ... Demandez conseils à votre revendeur ou mieux à des gens qui utilisent le modèle que vous convoitez. On peut évidemment consulter la base de données ARACUME.


c) La méthode Jaubert

La méthode Jaubert est le fer de lance de l'aquariophilie récifale naturelle. Bien qu'ayant suscitée de grands espoirs lors de sa sortie, les bacs sont aujourd'hui assez vieux pour montrer certaines limites, notamment en terme d'accumulation de phosphates. Cette méthode séduit également par sa simplicité, pas besoin d'écumeur pouvant signifier gain de place et d'argent, ce qui est un faux calcul car le coût d'un bac Jaubert peut s'avérer plus élevé qu'un berlinois notamment en raison du prix du sable et qu'il demande un "tour de main" pour corriger ou rétablir des paramètres, qui ne peuvent être apportés que par des aquariophiles avertis.

i) Les fondements de la méthode

(1) L'éclairage

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Photo, Julien THEODULE

L'éclairage doit être puissant, en relation avec les animaux hébergés, avec une préconisation de 75% de la surface du sable laissée libre et éclairée pour promouvoir un développement de microalgues. Ceci serait expliqué par l'influence de la lumière sur la photosynthèse et donc sur le travail bactérien qui en résulte. Ceci amènera une stratification en couches du sable, comme nous le verrons dans "le lit de sable".

(2) Les Pierres Vivantes

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Photo, Julien THEODULE

La quantité de PV doit être adéquate afin d'apporter une diversité biologique ainsi qu'un épurateur naturel. On a coutume de parler de 5 à 15 kg de PV pour 100 litres d'eau.

(3) Le brassage



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Photo, Julien THEODULE

Le brassage, en rapport avec l'écosystème reproduit, évitera de déranger l'équilibre du sable en visant plutôt la surface. Le Jaubert est traditionnellement réservé à des reproductions d'écosystèmes de plus basse énergie que le Berlinois. En effet, un brassage violent pourrait déplacer du sable, perturbant ainsi la stratification naturelle de celui-ci, ce qui très dommageable comme nous le verrons dans " le lit de sable "

(4) Le lit de sable

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Photos, Julien THEODULE

Le lit de sable se présente de la façon suivante : on place dans le fond du bac vide une grille sur pilotis (on peut utiliser des filtres sous sable), sur une hauteur d'environ 2 cm et sur la totalité du fond du bac. Cet espace vide sous la grille est appelé le plenum. On place par dessus le sable en une couche d'environ 10 cm composée classiquement de grains de 3 à 5 mm. On pourra éventuellement avant le dernier centimètre de sable placer une moustiquaire avant de la recouvrir. Cela évite que des animaux fouisseurs comme les gobies, labres, crabes, etc... ne viennent perturber la stratification de la couche de sable.

ii) les voies de recyclage des nutriments

La méthode Jaubert se base sur les PV comme nous l'avons vu, mais surtout sur les processus qui se déroulent au sein de la couche de sable. La lumière provoque le développement de micro-algues sur le sable. Ces micro-algues vont servir de nourriture, en complément des déchets divers tombant sur le sable, à la microfaune présente dans le lit de sable. Dans les premiers centimètres de celui-ci, les bactéries aérobies sont favorisées grâce à la concentration élevée en matières organiques et en oxygène dissout dans l'eau. De leur activité biologique va découler deux choses : d'une part leur respiration va appauvrir l'eau en oxygène, et d'autre part le rejet de CO2 va augmenter l'acidité ambiante. Divers gradients vont pouvoir être observés entre la surface et le fond du lit de sable. L'acidité générée par le rejet de CO2 issu du travail bactérien provoque la dissolution du substrat calcaire et aide donc au maintien du taux de Ca et du KH. L'oxygène dissout, qui diminue en fonction de la profondeur, se raréfie et oblige les bactéries des zones plus profondes à extraire l'oxygène contenu dans les nitrites - nitrates : ce processus de dénitrification boucle le cycle de l'azote, qui retourne à l'air ambiant sous forme N2. Par contre, on ne voit aucun moyen d'éviter l'accumulation des phosphates au sein de la couche de sable. Les conditions de surface du lit de sable provoquent une précipitation des phosphates, qui sont redissous dans les couches profondes, et ainsi de suite. Ceci les piège dans la couche de sable, mais on peut penser que sa capacité n'est pas infinie. Le moyen d'export le plus pertinent semble alors l'élagage régulier d'algues supérieures.

iii) Exemple d'un aquarium de 400 litres en méthode Jaubert

Nous choisissons de reproduire dans cet exemple une zone de lagon. En effet, le bac Jaubert se prête plutôt à la reproduction de zones calmes étant donné son brassage qui ne doit pas être trop violent afin de ne pas déranger les couches de sable.

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Photo, Julien THEODULE

La cuve sera choisie assez haute, car l'espace de nage en bas du bac sera amputé de 12 cm par le lit de sable. On prendra donc une cuve de 70 cm de haut, par exemple de 1 m sur 60 cm, ce qui nous donne approximativement 420 litres. Concernant l'éclairage, et selon les dimensions de la cuve, nous placerons un éclairage en deux points composé de 2 HQI 250W (ou même 150 W), ou bien en un seul point grâce à un 400 W, avec réflecteur adapté pour éclairer l'intégralité du bac, le tout équipé d'ampoules 10000 K.

Au fond de la cuve, on disposera des filtres sous sable sur une hauteur de 2 cm (il faut généralement 2 épaisseurs de filtre), qu'on recouvrira de sable de corail de granulométrie 3-5 mm. On pourra mélanger à ce sable une certaine quantité de sable de 1-2 mm. Nous choisissons de ne pas héberger dans ce bac d'animaux fouisseurs tel que gobies et autres, et nous nous passons donc de la moustiquaire enterrée à 1 cm sous la surface. On complète donc la couche de sable jusqu'à atteindre une hauteur de 10 cm environ. Compte tenu de la surface au sol de la cuve ( 600 cm2, il faut compter environ 60 litres de sable de corail. 20 à 30 kilos de PV seront harmonieusement disposées sur le sable, enterrées de 3 à 5 cm pour les caler si besoin, en veillant à les empiler si nécessaire afin de conserver 75 % de la surface du sable libre et éclairée. Le brassage sera assuré par des pompes ne délivrant pas plus de 4000 l/h au total, et qui viseront la surface plutôt que le sol. Leur mise en route ne doit en aucun cas déplacer le sable, et on sera attentif au phénomène de "rebond" du flux sur la surface.




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