La pêche des poissons marins d'ornement - Un état des lieux
Date: 29 août 2005 à 00:00:00 CEST Sujet: Théorie
Cet article décrit deux exemples d’organisation des pêcheries telles qu'on les rencontre à travers le monde, et plus particulièrement en Indonésie et aux Philippines. L’une de ces techniques de pêche des poissons marins d'ornement peut être qualifiée de "durable", l’autre non…
Comment en est-on arrivé là ? Quelles sont les techniques de pêches habituelles, les bonnes et les mauvaises ? Quel est l’avenir de ces pêcheries? Dans ce contexte, que représente l’effort du MAC pour instaurer de bonnes pratiques ?
Le meilleur comme le pire se côtoient dans l’organisation de la pêche commerciale, en voici un rapide tour d'horizon.
Les pires pêcheries : l’Indonésie et les Philippines
Le contexte
Les récifs indonésiens et philippins sont précieux car ils correspondent au site original d'apparition des récifs coralliens sur la Terre. La diversité des espèces y excède notamment celle de la Mer Rouge d'un facteur cinq. Mais ces récifs sont gravement menacés par des méthodes de pêche destructives et par une absence notable de gestion des ressources. L'emploi intensif de cyanure et de dynamite ne forme vraiment pas les bases d'une méthode durable d'exploitation. Cependant, le moteur économique de cette destruction est très puissant et la situation pourrait perdurer jusqu’au dépassement du point de non-retour écologique.
Les raisons de cette situation sont multiples :
- L’Indonésie et les Philippines sont des pays en voie de développement et il faut noter une absence totale de structures efficaces de régulation et de contrôle des pratiques de pêche qui menacent l’environnement. Il n'y a pas de garde-côtes, mais une Marine peu efficace, corrompue et pas assez discrète. Ces pays ne recoivent pas les investissements financiers et les connaissances en "management" nécessaires à la mise en place d'une infrastructure adaptée au commerce des poissons vivants. Cela demande des capitaux considérables pour rendre une opération de pêche durable : des analyses scientifiques préalable des populations et des milieux doit être effectuées, suivies par des contrôles réguliers. Les infrastructures de stockage et de transport doivent être considérablement améliorées. Les pêcheurs doivent suivre des formations, les poissons doivent être rendus "traçables".
- L'essentiel des bénéfices échappent aux collecteurs locaux. Ceux-ci sont partagés principalement entre les exportateurs, les importateurs et les revendeurs. D'autre part, dans la majorité des sites de collecte, la législation laisse un libre accès libre aux collecteurs non locaux qui ne se préoccupent pas des dégâts qu’ils causent aux récifs. Ces collecteurs sont souvent des adolescents venant des montagnes et employés quelques années par des patrons de pêches intéressés par le profit à court terme. Il en découle que dans la majorité des zones de collecte, les récifs ne sont pas perçus comme une source significative de revenus. Leur destruction ne suscite donc pas de mouvements d’opposition chez les populations locales. L'éducation des citoyens est encore trop négligée. Une prise de conscience des gens passe d’abord par un meilleur niveau d’éducation et par un développement de l’esprit critique.
- La mortalité chez les animaux prélevés sur le récif est élevée mais son coût relativement bas : on estime la mortalité entre 30 et 80% selon les études dans ce système de pêcheries. Mais la plupart des pertes surviennent avant que les poissons n'arrivent chez les exportateurs. Les profits des exportateurs sont donc relativement insensibles aux coûts engendrés par cette mortalité. Pour des poissons de faible valeur, le manque à gagner dû à la mortalité ne totalise que 5% des coûts. Plutôt que de favoriser l'émergence d'un sytème d'exploitation durable et de traçabilité des poissons, les exportateurs se concentrent plutôt sur : la variété des espèces collectée, un «turnover» rapide des animaux dans leurs structures, et la maîtrise des coûts liés au transport.
Conséquences dans l’organisation des pêcheries
- Les intermédiaires sont tous indépendants les uns des autres, les collecteurs vendent à des «middlemen» qui revendent à d’autres intermédiaires ou directement à d’autres exportateurs. Tout le monde est libre de vendre à qui bon lui semble. Ce système peut paraître anodin, mais en fait c’est une cause majeure des destructions engendrées par cette industrie.
- Les pêcheurs ne travaillent pas sur commande, ils attrapent donc ce qu’ils peuvent et essayent de tout vendre quoi qu’il en coûte. Ils forcent la main des exportateurs : pour pouvoir acheter les espèces à forte valeur commerciales qui sont rentables, ceux-ci doivent aussi acheter toutes les autres espèces non demandées, non commandées ou à faible valeur commerciale. Ce sont ces espèces sans valeur qui subissent les plus forts taux de mortalité. C’est une forme de terrorisme commercial !
- Les exportateurs sont aussi responsables, car ils ne favorisent pas l’intégration des pêcheurs au sein de la société. Dans tous les autres pays les pêcheurs sont employés et équipés par les sociétés exportatrices. En Indonésie, les poissons sont vendus tout compris, payés à la livraison chez les exportateurs. Les métiers sont séparés, les pêcheurs pêchent et les exportateurs exportent.
- L’efficacité des flottes de pêche :
une des conséquences directe de cette séparation des tâches est le manque complet de moyens des pêcheurs. Leur flotte est constituée de vieux bateaux mal motorisés, donc très lent, peu adaptés au transport de poissons vivants et sous-équipés : pas de radio, de GPS, etc. Les déplacements sont donc longs et hasardeux, ce qui a un effet désatreux sur l'état sanitaire des poissons. (à droite photo MAC, petits bateaux de pêche).
- Les liaisons aériennes avec les îles les plus reculées sont encore trop rares pour pouvoir utiliser ce moyen de transport efficacement. Les pêcheurs doivent d'abord rallier les grosses agglomération pour pouvoir utiliser l'avion. Ils font appel à des intermédiaires pour s’occuper des démarches administratives. Les infrastructures routières aussi font cruellement défaut.
- Réseau de stations de pêches : très peu d’exportateurs ont développé le réseau de stations de pêche qui est nécessaire à la bonne santé des animaux. Au lieu de ça, les poissons doivent rester pendant des jours, voire des semaines dans des sacs plastique à attendre, avec des changements d’eau irréguliers qui favorisent les empoisonnements à l’ammoniac. Une autre conséquence est que les bateaux passent plus de temps à transporter les animaux qu’à les collecter.
C’est dans l’analyse économique que l’on se rend compte que toutes ces particularités rendent le système inefficace et coûteux, forçant les pêcheurs à collecter plus que nécessaire pour que ce soit rentable à leur niveau. Le peu d’accès aux informations et aux capitaux ne leur permet pas d’avancer dans la bonne direction.
Il existe quelques différences notables entre Indonésie et Philippines :
- L’Indonésie est qualifiée de "libre pour tous", avec un système de régulations complètement inefficace. Le domaine marin ne tombe sous aucune autorité locale. Même si l’utilisation du cyanure est interdite, les peines sont très légères, et son utilisation est presque considérée comme normale par la majorité des pêcheurs. L’Indonésie est le lieu de tous les trafics depuis des siècles. Des bandes de pirates organisés naviguent dans l’archipel, et les autorités ont beaucoup de mal à les contrôler. Du coup, la pêche au cyanure est loin de constituer leur priorité. De plus lorsque des patrouilles de la Marine sont organisées, tous les pêcheurs sont au courant et restent à terre.
- Les Philippines sont organisées en communautés. L’exportation de coraux est interdite à partir des Philippines. L’utilisation de cyanure est plus sévèrement punie et le système de contrôle plus efficace. Les régions et provinces sont plus autonomes, et certaines ont décidé de contrôler cette activité. Des concessions sont possibles et légales.
L’exemple à suivre : l'Australie
L’Australie a mis en place un immense Parc National sur le site de la Grande Barrière. Celle-ci est intégralement protégé. En 1975, l’Australie a voté "l’Acte de la Grande Barrière de Corail", la première législation qui a pour but le contrôle et la préservation totale d’un écosystème marin. Une autorité de contrôle de cet écosystème (GBRMPA : Great Barrier Reef Marine Park Authority) a pris en charge, avec le gouvernement du Queensland, le développement et la mise en place du projet.
En 1981, la Grande Barrière à été classée par l’Unesco comme patrimoine mondial. Depuis, la GBRMPA a la lourde tâche de réguler toutes les activités du Park, garantissant la préservation du site et l’activité commerciale des flottes de pêche. Le nombre de licences accordées pour cette activité, ainsi que les zones qui lui sont destinées, sont fortement contrôlées. Les peines encourues pour le non-respect de ces règles sont très lourdes. Des patrouilles composées d’officiers dépendants du parc veillent à leur respect.
La collecte de poissons marins pour l’aquarium est limitée et le "minimum impact" est la politique actuelle. Les collecteurs sont correctement équipés et formés par les exportateurs. Ils sont directement salariés par les exportateurs, et il n’y a pas d’intermédiaires entre les deux. Tout le monde travaille ensemble sur commande et avec les mêmes objectifs en tête. Le modèle de distribution est complètement différent de celui de l’Indonésie et des Philippines : les exportateurs sont complètements indépendants et intégrés, avec leur propre flotte de bateaux et de pêcheurs, leurs propres stations de collecte, et une organisation logistique efficace. Tout cela assure la meilleure qualité sanitaire possible des poissons.
Les bonnes méthodes de pêche : Le filet barrière et le filet chalut
A gauche - Filet barrière
A droite - petit matériel de pêche
Photos, Vincent CHALIAS
- Le filet barrière est la technique majoritairement utilisée. Les pêcheurs travaillent généralement en binôme. Un qui transporte le filet encombrant et un qui s'occupe du petit matériel. Le filet fait de 5 à 7 m de long, et de 1,5 m à 2 m de hauteur. Il est lesté sur la partie inférieure avec des plombs ou des petites pierres et est équipé de petits flotteurs - souvent des restes de sandales en plastique ou des morceaux de polystyrène - qui lui permettent de rester en position verticale dans l’eau. En général, ce filet est placé autour d’un rocher, une patate de corail ou dans une passe. Les poissons sont "poussés" à l’intérieur. Ne voyant pas le filet, les poissons se trouvent face à un mur invisible qui les bloque. Avec une épuisette, le pêcheur attrape alors facilement les poissons stoppés dans leur course et essayant de traverser cette barrière qu’ils ne voient pas.
Cette technique fonctionne très bien pour les poissons-chirurgiens, les poissons-anges, les poissons-papillons, les poissons-cochers, les anthias, les Labres, quelques demoiselles et quelques gobies. Elle est utilisée aussi bien en plongée au hooka (détendeur, juste le deuxième étage de décompression, relié à un compresseur de peinture) ou en apnée.
Selon les poissons recherchés, il faut pour bien faire deux types de filets : un filet à maille nylon d’environ 2 cm pour les poissons les plus gros et un filet à maille de coton ou un mélange coton nylon (le coton est plus lourd, plus difficile à déplacer, et s’abîme vite dans le corail, mais est moins coupant et abîme moins les poissons), d’une maille de 0,8 à 1,2 cm, pour attraper des poissons plus petits (comme les Chromis viridis) et plus sensibles, sans leur laisser des marques de filet sur la tête. Une fois que les poissons sont capturés, ils sont transvasés dans une bassine flottante (à l’aide d’une chambre à air) ou dans un seau recouvert d’un filet équipé d’une fermeture éclair. Ce genre de filet est assez difficile à trouver en Indonésie, et grâce aux efforts du MAC notamment, ils deviennent plus courants. Ils ne sont fabriqués que par quelques usines dans le monde et il faut en commander plusieurs dizaines de kilomètres, ce qui était impossible pour les pêcheurs moyens. De plus, les pêcheurs n’en avaient malheureusement pas trop l’utilité car ils utilisaient du cyanure … Les exportateurs ne se sentant pas concernés, et ne sachant pas quel filet choisir, ils n’ont jamais aidé les pêcheurs sur ce plan là. Par ailleurs, ce secret était jalousement gardé par quelques exportateurs et importateurs du Pacifique-Sud.
Filet barrière Photos, Vincent CHALIAS
- Le filet chalut :cette technique est aussi couramment employée. Là encore les collecteurs fonctionnent en binôme : un pêche avec le filet chalut et l'autre récolte les poissons à l’intérieur et les emballe.
La technique est assez simple : le filet chalut est constitué de deux morceaux de bois quelquefois reliés entre eux. (Les dessins sont généreusement fournis par MAC)
Filet chalut Dessins MAC
Entre les deux bâtons est monté un filet lesté de plombs ou de petites pierres dans le bas. Les poissons sont attrapés après une courte poursuite assez sèche, ou lorsqu’ils sortent de leur trou. Ils sont emprisonnés dans le filet refermé et sont transférés dans le seau de décompression. Cette technique demande un coup de main plus difficile à acquérir que celle du filet barrière. Seuls les pêcheurs expérimentés l’utilisent. Il faut réussir à surprendre les poissons. Cette technique est utilisée surtout pour des poissons comme les poissons-gâchette, gobie et les Pseudochromis …
Pour cette technique, il vaut mieux utiliser les filets comprenant du coton, car les poissons cibles sont souvent de petite taille et fragiles.
Filet chalut Photos, Vincent CHALIAS
Autres techniques : Le sel, le piston, la corde de guitare… Le sel est utilisé pour faire sortir un poisson d’un trou et le cueillir à l’aide d’une épuisette à la sortie. Il suffit d’utiliser une pissette remplie d'eau et de gros sel, et d’asperger cette saumure à l’intérieur du trou. Le poisson incommodé sort rapidement. Le piston est une nouvelle technique que j’ai adapté pour capturer les gobies avec leur Alpheus. Il s’agit d’un tube de PVC contenant un piston en caoutchouc. On l’utilise pour aspirer l’intérieur du trou contenant le gobie et la crevette, on vide ensuite le contenue dans une épuisette. Une fois le sable et autres cailloux enlevés, il reste le gobie et sa crevette. L’air comprimé d’un détendeur est souvent utilisée pour faire sortir les poissons se réfugiant dans des coraux ou dans des rochers. La corde de guitare est utilisée aux Philippines pour harponner les mandarins. D’après les pêcheurs philippins les poissons se remettent très vite de cette petite blessure.
Il existe encore beaucoup d’autres techniques comme des pièges de tout genre, contenant un appât et laissés pendant la nuit, le lasso pour les murènes, le filet épervier à lancer ou tout simplement la canne à pêche avec un hameçon à ardillon écrasé. Tout dépend de l’espèce à attraper.
Petit filet pour la pêche “au trou” Photo, Vincent CHALIAS
La pêche au cyanure : la technique est assez simple et ne demande pas beaucoup de capacité ou de matériel. Il suffit de se procurer du cyanure de potassium, qui est utilisé dans l’industrie minière pour séparer l’or d’autres métaux. L’Indonésie compte sur son territoire les plus grosses mines d’or à ciel ouvert du monde, notamment Newmont à Irian Jaya. Se procurer du cyanure n’est pas donc très difficile malgré l’interdiction. La technique la plus simple et la plus répandue consiste à placer les cristaux dans des pissettes. Diluée dans de l’eau de mer, la solution de cynaure est répandue dans les anfractuosités des récifs où les poissons sont réfugiés (à droite, pêche au cyanure, Photo, MAC). Le cyanure bloque l’activité cellulaire, en agissant sur la respiration des cellules. Les poissons sont ainsi anesthésiés si le dosage est correct, et il suffit de les ramasser à l’épuisette. Les poissons sont pour la majorité empoisonnés à vie, s’ils ne succombent pas tout de suite. Mais la mortalité directement due au cyanure seul est difficilement quantifiable, tant ce qui se déroule aggrave encore l'état des animaux.
Pour plus d’information sur la pêche au cyanure, vous pourrez vous reporter à cet excellent
article de Ludovic Stroobants sur Récifs.org.
N’importe quelle personne intéressée par gagner vite un peu d’argent peut en effet devenir pêcheur de poissons d’aquarium en utilisant le cyanure. Et enfin, cette technique est redoutablement efficace dans la collecte de poissons "vivants", et dans la destruction de récifs.
Les techniques de plongée
- Le Hooka :cette technique est très courante et utilise un compresseur, utilisé pour la peinture et monté sur un petit bateau, un long tuyau souple et un détendeur de plongée classique. L’avantage de cette technique est la facilité de déplacement car le pêcheur ne transporte pas le lourd équipement autonome de plongée et le coût en est très faible. Par contre, elle est très dangereuse, car il peut arriver beaucoup de problèmes avec le tuyau ou le compresseur lui-même. Les pêcheurs ont tendance à rester longtemps sous l’eau, montent et descendent fréquemment … Les accidents de plongée sont courants. Ils sont mal équipés en équipement de contrôle : profondimètre, montre, ordinateur de plongée … En plus de tout l’équipement de plongée et de pêche, les collecteurs transportent aussi un seau de décompression dans lequel ils mettent leurs prises.
- La pêche en apnée : En général c’est par là que les jeunes se font la main en collectant les poissons à côtés de chez eux. Dans quelques mètres d’eau, souvent en binôme et avec un équipement de plongée restreint, ils collectent des espèces courantes. En général, ils emportent une bouée gonflée à l’oxygène qui leur servira pour emballer les poissons en sortant de l’eau. À l’intérieur de cette bouée ils placent une bassine trouée dans laquelle ils gardent provisoirement leurs prises.
Pêche au filet en apnée Photo, MAC
L’importance du "handling"
L’art et la science des méthodes de maintenance sur les grosses structures de stockage et de distribution de poissons d’aquarium marin sont très complexes. Presque tout à été dit sur la pêche au cyanure, mais après quelques années d’observation et d’expérience, j’ai constaté que le cyanure n’est pas le seul grand responsable des taux élevés de mortalité des poissons. En effet, avec l’augmentation de la demande, les pêcheurs ont dû aller chercher de nouvelles zones de collecte, de plus en plus loin, pour ramener de plus en plus de poissons. Il y a une vingtaine d’année, la mortalité suivant la collecte était bien plus faible car les poissons étaient pêchés à proximité des fermes d’export. De nos jours, les poissons doivent passer souvent plus d’une dizaine de jours dans des sacs plastiques avec des changements d’eau irréguliers ou inadaptés, en subissant une intoxication à l’ammoniaque à chaque changement d’eau, de fortes températures et entre les mains de personnes sans expérience. Ils restent sans nourriture, avant d’être mis sans précaution dans des bacs de stabulation surpeuplés et mal entretenus. … Il ne faut pas s’étonner qu’il y ait de grosses pertes.
Un phénomène classique qui a été mis en évidence chez les exportateurs et qui est significatif des animaux ayant subit de longs transports dans des conditions très stressantes est un fort pic de mortalité au niveau des quatrième et cinquième jours après l’arrivée de ces poissons. Cette mortalité est causée par une attaque parasitaire (généralement par Brooklynelia hostilis), ou une attaque bactérienne. Les poissons sont trop faibles pour résister à une quelconque maladie, alors que des poissons moins stressés et cohabitant dans le même système ne sont pas touchés.
Par expérience, et après avoir travaillé avec des pêcheurs n’utilisant plus de cyanure, nous avons pu constater que la mortalité n’était pas réduite significativement. Et même après que les pêcheurs aient appris et mis en pratique de bonnes méthodes de collecte, il leur reste encore beaucoup à apprendre. Cela prendra quelques années pour que les collecteurs et autres «middlemen» apprennent les techniques de maintenance de base.
Les mentalités des pêcheurs changent
C’est dans l’intérêt des exportateurs de prendre le contrôle de leur approvisionnement. Même si pour l’instant ils ne le comprennent pas toujours, il faut collecter uniquement les poissons commandés et les espèces à forte valeur ajoutée plutôt que les poissons communs que tous les pêcheurs essayent d'imposer aux exportateurs et qui n’engendrent pas de bénéfices. Contrôler les approvisionnements est la clef du succès. Ils n’auront pas d'autre alternative que de le comprendre ou d’arrêter. Les importateurs n’ont pas d'autre choix que de travailler avec les pêcheurs de façon plus engagée et plus efficace. (à gauche, pêcheurs lisant une "charte des poissons", Photo, MAC)
Le travail d’éducation et de formation, tant au niveau des pêcheurs que des exportateurs, est énorme, et l'organisation MAC (Marine Aquarium Council) a entrepris cette tâche depuis déjà quelques années. Cela commence à peine à porter ses fruits. Mais avant que l’on puisse sentir une réelle différence au bout de la chaîne, cela prendra encore quelques années, car les pêcheurs ayant suivit la formation ou en train de l’assimiler, ne représentent encore qu’un faible pourcentage.
La formation pêcheurs se fait en 5 étapes :
- Une formation aux techniques de plongée. Il y a encore beaucoup trop d’accidents de plongée parmi les pêcheurs de poissons d’ornement. Il faut les équiper du matériel adéquat, leur faire respecter les tables de plongée et leur apprendre à entretenir leur équipement. Briser les tabous, les emmener utiliser les chambres de décompression régulièrement…
- Une formation aux techniques de pêche. Leur faire comprendre en quoi la pêche au cyanure est néfaste, leur apprendre à gérer leur patrimoine en créant des zones protégées. Leur fournir les filets et le reste de l’équipement, leur apprendre à les confectionner, les utiliser, les entretenir…
- Une formation aux techniques de maintenance des poissons, comment garder ces animaux dans les meilleures conditions possibles, où les entreposer et de quelle manière, quelle nourriture leur donner, les gestes à ne pas faire, quelles sont les maladies, comment les éviter…
- Une formation au remplissage des documents nécessaire. Afin d’effectuer le suivi des poissons ou de recueillir toutes les informations nécessaires comme le numéro du pêcheur, les zones de pêche qui doivent être enregistrées et gardées.
- Une formation à la gestion : les pêcheur ont un gros problème de gestion. Lorsqu’ils vendent leurs poissons, ils pensent que tout l’argent gagné est un profit net. C’est ainsi que l’argent disparaît rapidement et qu’ensuite ils n’ont plus d’argent pour réparer leurs bateaux, préparer de nouvelles campagnes de pêches, etc. Ils doivent donc être formés à la gestion de leur patrimoine, à effectuer des démarches auprès des banques … Peut-être qu'en apprennant à mieux gérer leur argent, ils comprendront comment gérer leurs "stocks" de poissons …
Selon les zones, les pêcheurs sont de plus en plus demandeur d’aide. Ils se rendent bien compte qu’il y a un problème. La demande est de plus en plus forte mais les poissons de plus en plus difficiles à trouver. Ils savent bien que cela deviendra bien plus difficile pour leurs enfants de vivre correctement de leurs propres ressources et qu’il est temps que cela change. Mais il faut d’abord qu’ils s’organisent eux-mêmes au sein de leur village, puisque le gouvernement est loin d'être prêt pour cela. À Bali où les villages sont déjà organisés autour de la religion, cette démarche est très facile; les villageois sont habitués aux réunions de village et à discuter des problèmes de façon "civilisée", et les décisions sont respectées par la population. Dans d’autres régions, malheureusement, cela prendra encore quelques années, voire même encore une génération pour que cela arrive. (à droite, formation des pêcheurs, Photo Vincent CHALIAS)
Il faut aussi faire en sorte que le gouvernement indonésien crée des lois et des infrastructures pour protéger l’environnement. Malheureusement, ce n’est pas encore à l’ordre du jour et ce n’est pas une priorité; il faudra là aussi attendre encore quelques années ...
Références
Tomascik, Mah, Nontji et Moosa: The Ecology of Indonesian Seas, part one and two, 1997
Rudie H Kuiter and Takamasa Tonozukai, Indonesian Reef Fishes part 1-3, 2004
Scott W. Michael, Reef Fishes Vol 1, 1998
Scott W. Michael, Reef Fishes Vol 2, Basslets, Dottybacks & Hawkfishes, 2004
Scott W. Michael, Reef Fishes Vol 3, Angelfishes and Butterflyfishes, 2004
Christiane Schmidt, Post Harvest Mortality in the Marine Aquarium Trade, A Case Study at an Indonesian Export Facility, 2003
Article écrit par Vincent Chalias et publié par Récifs.org le 29/08/2005.
Les dessins sont reproduits avec l’autorisation du MAC
(www.aquariumcouncil.org)
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