Les algues indésirables : un mal incurable ?
Date: 16 mars 2006 à 00:00:00 CET Sujet: La rubrique d'Aquamag
Quelle que soit leur expérience, pratiquement tous les aquariophiles sont un jour confrontés à un problème d’algues pestes… Pour certains, c’est passager, pour d’autres, c’est un mal chronique et incurable. Pourtant, en recherchant l’origine du problème, on arrive souvent à trouver un remède.
Comme tous les végétaux, les algues sont capables de réaliser la photosynthèse en utilisant l’énergie lumineuse pour extraire du carbone du milieu environnant. En plus de la lumière, les algues ont besoin pour croître d’autres éléments, dont les nutriments dissous dont il est beaucoup question en aquariophilie : nitrates, phosphates et silicates notamment. Quand ces éléments sont limitants, les algues cessent de croître, voire régressent.
De ces quelques notions de base, nous pouvons retenir deux éléments importants. Même dans nos bacs, il existe une grande variété d’algues différentes - preuve en est la succession d’espèces que l’on observe lors du démarrage et la phase initiale de maturation d’un bac. Leurs besoins sont différents, mais ceux-ci ont pour la plupart les nutriments comme dénominateur commun.
Sur le récif, il est courant de rencontrer des zones dans lesquelles les taux de nutriments dissous sont relativement élevés et pourtant, la croissance des algues y est très faible. Inversement, on peut rencontrer des algues dans des eaux très oligotrophes… En aquarium, les mêmes phénomènes sont couramment observés. C’est donc qu’il existe un autre facteur limitant qui est la consommation par les organismes herbivores. Le rôle des herbivores sur le récif et dans l’aquarium marin est très important et assure un équilibre entre la production et l’extraction
[voir encadré "Des auxiliaires" ].
Avec l’avènement de techniques d’éclairage performantes - lampes aux halogénures métalliques et tubes fluorescents à haut rendement-, il est aujourd’hui possible de reproduire des conditions d’éclairement proches de celles du récif. Les pigments photosynthétiques des algues varient selon les espèces, et certaines espèces seront favorisées par un éclairage plutôt qu’un autre. Pour exemple, les caulerpes croissent mieux sous un éclairage de type lumière du jour, donc pour des températures de couleur basses de l’ordre de 4200 à 5000K.
L’accumulation des nutriments
La croissance des algues dépend dans la plupart des cas de la présence de nutriments dissous, de nitrates et phosphates, qu’elles consomment après extraction du milieu. On comprend aisément que lorsque la consommation de ces nutriments est égale à leur production, un équilibre est atteint qui permet d’avoir un taux de nutriments dissous proche de zéro. C’est sur ce principe que reposent certaines techniques de filtration: celle du Dr Adey (filtration sur lit d’algues) ou plus récemment de Leng Sy (Ecosystem Aquarium © ).
Mais il n’est pas indispensable de cultiver des algues supérieures pour atteindre cet équilibre. Aujourd’hui, un aquarium récifal correctement conçu et dimensionné atteint cet harmonie par l’action combinée de l’écumeur et des bactéries dénitrificatrices et dénitrifiantes qui réalisent une transformation complète de l’azote (réduction des nitrites en nitrates, lesquels sont transformés en diazote gazeux qui quitte le bac vers l’atmosphère).
Le cycle du phosphore est quant à lui plus problématique, puisque aucune transformation sous forme gazeuse ne permet un export complet. Il convient donc d’une part de réduire au maximum les apports de phosphate dans le bac, et d’autre part d’en favoriser l’export.
Pour minimiser ces apports, il convient en premier lieu d’utiliser de l’eau de complément de qualité - l’osmoseur est devenu quasi-indispensable dans de nombreuses régions-, mais également de choisir de bons produits : sable, charbon actif, granulat de réacteur à calcaire, etc... , qui contiennent le moins de phosphates possible.
Les sources de déchets azotés et phosphorés sont liées à la matière organique, et il faut donc en retirer le maximum aussi souvent que possible. La filtration rapide sur perlon, un écumeur bien dimensionné, le "clochage" du sable, le siphonage des sédiments sont autant d’éléments de maintenance souvent négligés qui ont pourtant une importance clé.
Photos, Julien THEODULE
Dans la nature aussi... |
Un biologiste marin Indonésien cultivant des boutures de coraux pour le marché international avait observé sur l’une de ses tables de production qu’il y avait une très forte densité d’algues indésirables qui gênaient ses cultures. En fait, une demoiselle très territoriale avait choisi cette table comme habitat et faisait fuir les herbivores… Après déplacement de la table de quelques mètres, les algues ont disparu.
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Les algues tapissantes rouges
On qualifie souvent d’algues indésirables celles qui ont aspect inesthétique ou qui présentent une menace pour les invertébrés sessiles (fixes), en raison principalement de leur vitesse de prolifération.
La plus répandue est la cyanobactérie. C’est une bactérie photosynthétique qui prolifère en tapis de couleur rouge à bordeaux. Elle est particulièrement envahissante. En raison de leur origine bactérienne, les cyanobactéries savent extraire l’azote dont elles ont besoin à partir du diazote gazeux, et peuvent donc prospérer dans des milieux sans nitrates. Elles ont besoin de phosphore et sont favorisées par les phosphates, un pH bas (bien que cette cause puisse être liée à la première puisque le taux de phosphates dissous est inversement proportionnel au pH), et par un brassage insuffisant.
Cyanobactéries, Photos Julien Théodule, David Excoffier.
Les algues vertes envahissantes
Parmi les algues vertes – les chlorophytes -, on peut identifier deux grands "types" : les algues bulles souvent des Valonia sp. ou Ventricaria sp., et les algues filamenteuses de type Bryopsis sp. ou Derbesia sp..
Les algues bulles forment souvent des grappes d’algues de forme sphérique qui se fixent sur le substrat aux endroits protégés du courant. Leur éradication est difficile car leur prolifération n’est pas forcément liée à un taux élevé de nutriments dissous. Il existe quelques prédateurs naturels en particulier les crabes Mithrax sp.. et parfois quelques spécimens de Siganus sp., poisson herbivore assez peu sélectif.
Photos : Algues filamenteuses, Hervé Rousseau. Mithrax sp. et Valonia, David Excoffier
Le retrait manuel des algues bulles doit être effectué avec précaution car l’éclatement de la bulle provoque la libération de spores entraînant la dissémination et le développement de ces algues.
Les algues filamenteuses disparaissent pour la plupart à l’issue de la période de maturation, mais certaines espèces peuvent continuer à prospérer malgré des conditions qui deviennent normalement de plus en plus défavorables, Bryopsis sp. et Derbesia sp. étant les espèces les plus courantes. Elles sont rarement consommées par les herbivores classiques de l’aquarium marin (certains Zebrasoma peuvent en consommer en petite quantité), il convient donc de lutter contre leur prolifération en agissant sur la source du problème. Dans la plupart des cas, les aquariophiles confrontés à une invasion d’algues se sentent dépourvus. Pourtant, c’est l’occasion idéale pour remettre en question son installation et la maintenance : mon écumeur est il bien dimensionné par rapport à ma population ? Depuis combien de temps n’ai-je pas siphonné les sédiments ? Mon brassage est-il bon (en quantité et en qualité) ? N’ai-je pas besoin de changer les ampoules et les tubes ?
Des remèdes
La gestion des sédiments doit être une des préoccupations de l’aquariophile consciencieux, de la conception du bac à la maintenance quotidienne. A cet effet, il convient d’avoir mis en place un brassage adapté à une remise en suspension des sédiments aussi efficace que possible. Des organismes vivants auxiliaires - bernard l’hermite, ophiures, etc... - sont des aides préciseuses. Par leur activité, ils remettent également en circulation les sédiments. Un clochage du sable relativement régulier - lorsque la méthode de filtration ne repose pas sur une couche de sable épaisse, vivante ou non – est bénéfique sur le long terme. Pour finir, une filtration rapide sur perlon peut être utilisée en permanence ou régulièrement, à la condition de changer ou de laver soigneusement le perlon toutes les semaines afin d’éviter qu'il ne devienne le siège d'une dégradation bactérienne des déchets, ce qui conduirait à une augmentation des taux de nitrates et phosphates dans l’aquarium.
La chimie lourde ? |
Quelques solutions chimiques sont envisageables dans la lutte contre les algues, mais ce ne sont souvent que des pis-aller. Il existe notamment des produits contre les cyanobactéries. Hélas, lorsqu'on traite les symptômes et non l'origine du mal, il y a récidive systématique, et celle-ci est souvent rapide ! L'utilisation d'eau de chaux pour précipiter les phosphates, de résines anti-phosphates ou de résines anti-nitrates sont autant de solutions agissant directement sur la conséquence et non sur la cause.
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En ce qui concerne la filtration et la qualité de l’eau, un écumeur bien dimensionné, associé à une filtration biologique efficace (pierres vivantes et/ou lit de sable épais) permet aujourd’hui de maintenir un aquarium récifal dans d’excellentes conditions. Le but est d'éviter qu'un déséquilibre entre la production et l'extraction des nutriment dissous, en faveur d'une accumulation, n'apparaisse. Les problèmes d’algues traduisent très souvent une filtration mal adaptée et un mauvais dimensionnement de l’écumeur. Il faut également veiller à la qualité de l’eau de compensation comme évoqué au début de cet article.
Photo, Julien THEODULE
Des auxiliaires |
Comme nous avons pu le voir dans les paragraphes précédents, une population adaptée d'herbivores est indispensable à l'établissement d'un bon équilibre dans l'aquarium marin. Bernard-l'hermite, escargots, oursins, étoiles de mer et crabes sont autant de détritovores et d'herbivores qui ont leur place dans l'aquarium, à condition de bien choisir les espèces. On rencontre aussi de plus en plus couramment des nudibranches herbivores (limaces de mer) qui sont de précieux alliés dans la lutte contre les algues. Là encore, il convient de bien se documenter pour choisir les espèces adaptées.
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L’éclairage peut aussi être un facteur de croissance d’algues indésirables : les ampoules et tubes fluorescents utilisées en aquariophilie marine voient leur intensité diminuer et leur spectre dériver avec le temps. Une croissance spontanée d’algues indésirables, sans modification des autres paramètres, peut être déclenchée par un changement de la qualité et de la quantité d’éclairage dû au vieillissement des ampoules.
Photos, Julien THEODULE
Pour finir, un brassage insuffisant ou de mauvaise qualité peut favoriser la croissance d’algues, sans que les autres paramètres soient en cause. Le brassage intervient également en limitant la sédimentation dans le bac principal et idéalement il devrait être alterné.
Article écrit par Florian Lesage & Hervé Rousseau et publié par Récifs.org le 16/03/06
Pour en savoir plus
Le traitement de l'eau dans les aquariums marins récifaux par C. Yanicostas. Aquarama, Juillet 1993
Alagae woes par Terry Siegel. Aquarium Frontiers. Avril 1999.
Un bac récifal étape par étape - Les pièges à éviter - La morale de l'histoire, par Claude Hug. Aquarium Magazine. Janvier 2001.
Cet article est paru dans Aquarium Magazine n° 210 après correction de la rédaction n'engageant pas la responsabilité des auteurs.
Egalement disponible sur le site sur ce sujet :
Base de connaissance Algues
Les algues bénéfiques
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