.: recifs.org :. - Fiabiliser une alimentation électrique

L’alimentation électrique d’un aquarium récifal est particulièrement critique. En cas de coupure de courant, l’arrêt du brassage et de l'écumage va résulter en une diminution du taux d'oxygène dissous qui est un paramètre vital pour les animaux hébergés. Il apparaît donc nécessaire de s’assurer que l’installation électrique alimentant l’appareillage du bac est suffisamment fiable pour l’utiliser en toute confiance.

Préambule

Cet article a été écrit de manière à ce que les connaissances de base relatives à l’électricité (tension, intensité, puissance, courant alternatif, terre, lois d’Ohm et de Joule…) ne soient pas indispensables à sa compréhension. Certaines simplifications ont ainsi été volontairement faites, afin de proposer un écrit clair et compréhensible par un maximum de lecteurs.

Introduction

Pour comprendre le fonctionnement d’une installation électrique, il est nécessaire de comprendre l’utilité des éléments qui la composent. Nous commencerons par expliquer le fonctionnement du disjoncteur et du différentiel. A partir de là, nous détaillerons quelques installations électriques types rencontrées habituellement dans nos habitations, en mettant l’accent sur leurs points faibles. Et pour finir, nous listerons les critères d’une installation fiable, de manière à définir les éléments qui la composeront.

« Les plombs ont sauté », « ça a disjoncté »… mais pourquoi ? Et concrètement que s’est-il passé ?

Le disjoncteur (ou coupe-circuit)

Un disjoncteur permet de détecter une consommation anormale dans un circuit électrique. Par exemple, si un circuit dédié à un éclairage classique consomme une puissance de 5 kW alors qu’il ne devrait pas dépasser 2 kW, c’est qu’il y a un disfonctionnement et un risque élevé d’endommager l’appareil défectueux (qui pourrait prendre feu) et les fils électriques du circuit qui ne sont pas dimensionnés pour porter un courant aussi important. Aujourd’hui encore, de nombreux incendies sont d’origine électrique …

Le rôle du disjoncteur est de protéger les circuits.

Le disjoncteur est un interrupteur qui par exemple laisse passer le courant lorsqu’il est en position haute (on), et le coupe lorsqu’il est en position basse (off). S’il est en position haute et que le courant dépasse l’intensité maximale autorisée, il disjoncte, c'est-à-dire qu’il passe automatiquement en position basse. Il faut alors identifier le disfonctionnement (identifier et débrancher l’appareil ayant provoqué la surintensité), et le réarmer en le replaçant en position haute.

Interrupteur différentiel et disjoncteur sur un tableau électrique
Photo, Sébastien LECOMTE

Dans les installations anciennes, le «coupe-circuit» ou «porte-fusible» joue le même rôle qu’un disjoncteur : Il coupe le courant au-delà d’une certaine intensité. Mais plutôt que de le réarmer, il est nécessaire changer le fusible, en prenant soin de remettre le même type de fusible.

Dans l’installation classique d’une habitation, on distinguera deux principaux types de disjoncteurs : Le disjoncteur principal EDF, qui est en fait un disjoncteur différentiel, et les disjoncteurs (ou «coupe-circuit» / «porte-fusible») situés sur le tableau électrique et qui sont protègent les différents circuits de l’appartement.

Chaque circuit d'installation électrique doit être protégé par un disjoncteur dont l’intensité de coupure est choisie de façon adéquate. L’intensité de coupure ne devra pas dépasser celle admise par les fils électriques dont la limite est principalement fonction du diamètre du fil de cuivre. Il faut essayer de la réduire au maximum, de manière à couper le courant dès qu’il est au-dessus de la normale mais sans aller dans des extrêmes, c'est-à-dire qu’il faut tout de même qu’elle soit suffisamment élevée pour que les appareils connectés au circuit puissent fonctionner sans le faire disjoncter. En principe et pour une utilisation domestique, des disjoncteurs de 10, 16, 20, 25 ou 32 A sont utilisés.

Le disjoncteur présente aussi un aspect pratique par sa fonction d’interrupteur qui permet d’isoler un circuit sur lequel il est alors possible de travailler en sécurité : Couper le disjoncteur EDF permet de couper la totalité de l’installation, alors que couper un des disjoncteurs sur le tableau électrique permet de n'isoler qu’un circuit, sans couper le reste de l’installation.

Coupe-circuits sur un tableau électrique
Photo, Sébastien LECOMTE

Il faut noter qu’EDF utilise un disjoncteur pour brider le service fourni à ses abonnés. Par exemple, pour un abonnement de 6 kW, EDF réglera son disjoncteur à 30 A, de manière à couper le courant si l’abonné consomme trop de courant. Ces disjoncteurs ont des intensités de coupure souvent réglables et sont plombés de manière à ce que l’abonné ne puisse pas modifier lui-même son abonnement.

L’interrupteur différentiel

Un interrupteur différentiel a pour fonction de détecter les «fuites de courant». Pour simplifier, nous pouvons considérer qu’il mesure la différence entre le courant qui sort (et va vers le circuit) et le courant qui rentre (revient du circuit). S’il y a un déséquilibre trop important, c’est qu’une partie du courant s’est «échappée» sans suivre le circuit normal. Le courant peut s’échapper par la terre ou plus grave par le corps d’une personne qui fait office de conducteur, et qui en d’autres termes est en train de s’électrocuter.

Le rôle du différentiel est de protéger les personnes.

L’interrupteur différentiel coupe automatiquement le courant du circuit si le courant de fuite est trop important. Tout comme pour un disjoncteur, il est nécessaire d’adapter la sensibilité au niveau de protection souhaitée. Par exemple, l’installation pourra comprendre un différentiel de 30 mA - c'est-à-dire qui se déclenche si la « fuite » de courant est supérieure à 30 mA - de manière à limiter les risque d’électrocution, sans que pour autant le moindre petit défaut d’isolement d’un appareil ne provoque une coupure de courant.

Les fonctions de disjoncteur et d’interrupteur différentiel peuvent être couplées dans un même appareil nommé disjoncteur différentiel. C’est ce qu’installe EDF chez la plupart de ses abonnés.

Compteur et disjoncteur différentiel EDF
Photo, Sébastien LECOMTE

Quelques installations électriques d’habitations types

Généralement, l’arrivée EDF se compose d’un compteur et d’un disjoncteur différentiel. Ils peuvent être installés côte à côte ou situés à des endroits différents, compteur sur le palier et disjoncteur dans l’appartement par exemple.

Compteur, disjoncteur différentiel et coupe-circuits sur un tableau électrique
Photo, Sébastien LECOMTE

La responsabilité de l’abonné concernant l’installation électrique débute à la sortie du disjoncteur différentiel d’EDF. C’est à ce niveau que le tableau électrique est connecté. Voici quelques types d’installations fréquemment rencontrées dans les habitations :

1^er exemple : disjoncteur différentiel EDF et coupe-circuits

Ce type d’installation est relativement ancien. Le risque d’électrocution est limité uniquement par le différentiel EDF dont la sensibilité est souvent trop faible (500 ou 650 mA par exemple), raison pour laquelle les installations récentes conformes aux dernières normes disposent d’un autre différentiel plus sensible.

Chaque circuit est protégé par un fusible. Un défaut d’isolation va donc entraîner la coupure de l’ensemble de l’installation puisque la coupure aura lieu au niveau du disjoncteur différentiel d’EDF. Si les fusibles sont correctement dimensionnés, une surintensité en revanche n'entrainera la coupure que du seul circuit sur lequel l’appareil défaillant est connecté.

2^ème exemple : disjoncteur différentiel EDF, disjoncteurs sur l’ensemble des circuits et interrupteur différentiel sur le circuit de la salle de bain

Ce type d’installation est plus récent que la précédente. Les coupe-circuits ont été remplacés par des disjoncteurs, ce qui ne change rien au fonctionnement mais améliore le coté pratique de leur utilisation.

La salle de bain où les risques d’électrocution sont plus importants est protégée par un différentiel 30 mA qui évitera la mort en cas d’électrocution en coupant le courant à temps. Un défaut d’isolation dans la salle de bain ne coupera donc que le circuit de la salle de bain, alors que pour une fuite supérieure à 500mA c’est le différentiel EDF qui coupera l’ensemble de l’installation (y compris la salle de bain).

Si les disjoncteurs des circuits sont correctement dimensionnés, une surintensité ne doit provoquer une coupure que sur le circuit sur lequel l’appareil défaillant est connecté.

3^ème exemple : disjoncteur différentiel EDF, interrupteur différentiel sur installation et disjoncteurs sur chaque circuit.

Cette installation qui correspond à une norme plus récente dispose d’un disjoncteur différentiel qui protège l’ensemble de l’installation des risques d’électrocution. En revanche cette protection supplémentaire des personnes implique que n’importe quel défaut d’isolement (fuite > 30mA) coupera l’ensemble de l’installation. Comme sur les installations précédentes, une surintensité ne doit couper que le circuit sur lequel l’appareil défaillant est connecté si les disjoncteurs ont bien été dimensionnés.

Fiabiliser l’installation de l’alimentation électrique d’un aquarium

Voici une liste de critères qui doivent être satisfaits pour qu'une installation électrique soit considérée comme fiable:

1- un appareil autre que ceux composant l’installation de l’aquarium défectueux provoquant une surintensité ne doit pas couper le courant de l’aquarium : Il est donc nécessaire d’avoir un circuit spécifique à l’aquarium. Dans une installation existante cela n’est pas forcement évident à réaliser. S’il n’est pas possible d’installer un nouveau circuit, il faudra au moins identifier l’ensemble des prises connectées au même circuit que l’aquarium et éviter de les utiliser.

2- le circuit utilisé par l’aquarium doit bénéficier d’une protection des personnes : L’aquarium est une zone dans laquelle de nombreux appareils électriques côtoient un milieu humide, ce qui augmente les risques d’électrocution. Le circuit devra donc être connecté à un différentiel - la sensibilité conseillée étant souvent 30mA - et les prises utilisées doivent être reliées à la terre. Il est en effet préférable de couper l’alimentation de l’aquarium plutôt que de risquer de s’électrocuter, par exemple à cause d’une pompe défectueuse.

3- un appareil autre que ceux composant l’installation de l’aquarium défectueux provoquant une fuite de courant (défaut d’isolement) ne doit pas couper le courant de l’aquarium. Cependant l’installation doit protéger les personnes en coupant le courant du circuit alimentant l’appareil défectueux. Cette contrainte à 2 conséquences :
- L’ensemble de l’installation électrique, hormis le circuit de l’aquarium, devra être connectée à un ou plusieurs différentiels (moins sensibles que celui d’EDF car si celui d’EDF est plus sensible, il coupera l’ensemble de l’installation).
- Le circuit de l’aquarium ne doit pas être branché sur un différentiel commun à d’autres circuits. Il doit donc disposer de son propre différentiel.
Ces deux derniers critères - un premier différentiel sur le circuit de l’aquarium et un second sur le reste de l’installation - peuvent souvent être réalisés en modifiant le tableau électrique.

4- protéger le circuit et les équipements de l’aquarium, c'est-à-dire couper le courant en cas de surtension : Il faut donc installer un disjoncteur comme sur les circuits classiques de l’habitation. L’intensité de coupure de ce disjoncteur devra être choisie en fonction de l’installation électrique du bac. Il suffit de faire la somme de l’ensemble des puissances consommées par les appareils constituant l’installation (par exemple une pompe de remontée : 50W, 5 pompes de brassages de 12W : 60W, un chauffage de 250W, un HQI de 250W, etc…). D’une manière générale, pour les bacs de taille modeste, un disjoncteur de 10 A est souvent largement suffisant (cela autorise un peu plus de 2000 W de puissance). A noter que pour l’alimentation d’un HQI, le courant d’appel c'est-à-dire le courant nécessaire à son démarrage peut être plus important que le courant consommé en temps normal. Il sera parfois nécessaire d’adapter l’intensité de coupure du disjoncteur en conséquence.

5- limiter les risques de coupure complète de l’alimentation électrique du bac, même si un appareil composant l’installation du bac est défectueux. Pour respecter ce critère, il faudra doubler l’alimentation, c'est-à-dire, disposer de deux circuits indépendants : Chacun disposant de son propre différentiel et de son propre disjoncteur. Les appareils électriques de l’aquarium seront répartis entre les deux circuits de façon judicieuse de manière à limiter les dégâts en cas de coupure de l’un ou de l’autre des deux circuits.

Par exemple, si l’installation est composée d’un fluo et d’un HQI, chacun de ces éclairages sera connecté sur un circuit différent. De la même manière les pompes de brassage seront réparties entre les deux circuits (il s’agit là sûrement du point le plus important, puisque c’est les pompes de brassage qui vont maintenir l’oxygénation du bac).

Il sera ensuite possible d’organiser toute l’installation en prenant bien compte de la disponibilité des deux circuits : utilisation de deux pompes de remontée, de deux écumeurs…etc.

Les deux circuits électriques alimentant l’aquarium seront donc indépendants de l’alimentation du reste de l’habitation. L’utilisation de différentiels plus sensibles que 30 mA, 10 mA par exemple, est parfois préconisée. Un interrupteur différentiel peut être utilisé pour regrouper les fonctions disjoncteur et différentiel mais dans les faits, cet appareil est souvent plus coûteux à l’achat que les deux éléments séparés.

Conclusion

Une coupure de courant prolongée peut être dramatique pour un aquarium récifal. Même si refaire son installation électrique n’est pas forcément possible, quelques précautions sont à prendre. Il ne faut pas connecter son aquarium sur une prise quelconque sans réfléchir. Comprendre le fonctionnement d'une installation électrique est à la portée de tous. Quelques précautions et d’éventuelles modifications, qui devront toujours être effectuées par un professionnel habilité, peuvent ainsi permettre de limiter les conséquences de coupures électriques dont personne n’est à l’abri.

L’auteur et Récifs.org déclinent toute responsabilité quant aux conséquences d'une modification inadaptée d’une installation électrique. Ils rappellent que l’ensemble des modifications effectuées sur une installation électrique doit être réalisé par un électricien compétent qui respectera les normes en vigueur.

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Article publié le 20/02/2004 par Sébastien Lecomte