Quelques recettes pour éviter que l'aquarium ne traverse le plancher !
Date: 23 janvier 2005 à 00:00:00 CET Sujet: Pratique
Que ce soit à cause d'un déménagement ou simplement par envie de passer à un bac plus grand, beaucoup d'entre nous sont un jour confrontés à cette angoissante interrogation : est-ce que le plancher
va supporter le poids de l'aquarium ?
Michel Perdrix nous donne des éléments de réponse dans son article : "Le mystère des transports de charges" ...
La structure globale d'un immeuble peut se schématiser assez simplement :
- les planchers reçoivent des charges qu'ils transportent vers des poutres,
- les poutres écoulent les charges des planchers vers les poteaux,
- les poteaux descendent les charges des poutres vers les semelles de fondations,
- les semelles de fondations étalent les charges des poteaux sur le sol.
Dans le cas particulier des ossatures à murs porteurs :
- les planchers reçoivent des charges qu'ils transportent vers des murs porteurs,
- les murs porteurs descendent les charges vers les semelles de fondations,
- les semelles de fondations étalent les charges des murs sur le sol.
Globalement, chaque élément de structure effectue un transport de charges qui sollicite la résistance des matériaux dont il est constitué.
Les murs et poteaux sont simplement comprimés, ils tendent à s'écraser : on peut calculer la contrainte unitaire qu'ils subissent en divisant la charge par la surface, c'est tout simple.
Les planchers et les poutres tendent à fléchir : ils sont sollicités en flexion. Les contraintes développées en travée dans les matériaux de ces éléments fléchis sont des compressions des fibres supérieures et des tractions des fibres inférieures.
Sous une charge modérée, les éléments fléchis se redressent lorsqu'on retire la charge et retrouvent leur forme initiale : les matériaux sont sollicités sous leur limite élastique. Mais à partir d'une certaine importance de la charge, l'élément ne retrouve plus sa position initiale lorsqu'on retire la charge : les matériaux ont dépassé leur limite élastique.
Cette limite élastique est une caractéristique connue et constante de chaque matériau ; bien qu'il n'y ait pas forcément à proprement parler de cassure, elle définit la contrainte de rupture entrant dans les calculs.
Ainsi, un élément de structure est du point de vue réglementaire détruit quand ses matériaux ont, ne serait-ce qu'une fois, dépassé leur limite élastique. Le coefficient de sécurité pris en compte sur les limites élastiques est de l'ordre de 1,5. Cela signifie que dans des conditions normales, les matériaux ne seront pas soumis à des contraintes supérieures à 67% de leur limite élastique.
La réglementation en matière de surcharge d'exploitation en logements
La surcharge d'exploitation réglementaire prise en compte dans les calculs de structure de logements est de 150 daN/m2 (environ 150 kg/m2), uniformément répartis.
Les structures et notamment les planchers sont calculés comme s'ils supportaient en permanence et sur toute leur surface une épaisseur d'eau de 15 cm. Ce type de cas de charge simplifié est censé envelopper les dispositions réelles des charges concentrées qu'on retrouve dans la réalité : l'armoire normande remplie de draps et de lingots, le buffet savoyard bourré de vaisselle, etc...
Si on fait la somme des charges ponctuelles disséminées dans une pièce et qu'on la compare aux 150 kg x surface de la pièce permis, on constatera vite qu'on est très en-dessous de ce qui est globalement admissible.
Notons de plus que l'influence de la surcharge est fonction du poids propre du plancher. Outre la surcharge d'exploitation, le plancher doit supporter son propre poids.
Exemple 1
Une dalle de béton armé de 20 cm d'épaisseur pèse 500 kg/m2 ; si elle supporte une surcharge uniforme de 150 kg/m2, elle sera calculée sous une charge totale de 650 kg/m2. Pour que les matériaux atteignent leur limite élastique, il faudrait que la charge totale atteigne 650*1,5=975 kg/m2, donc que la surcharge soit de 475 kg/m2.
Exemple 2
Un plancher à poutrelles béton et corps creux polystyrène avec table béton de 6 cm pèse environ 200 kg/m2 ; pour la même surcharge de 150 kg/m2, il sera calculé sous une charge totale de 350 kg/m2. Pour que les matériaux atteignent leur limite élastique, il faudrait que la charge totale atteigne 350*1,5=525 kg/m2, donc que la surcharge soit de 325 kg/m2. Les planchers lourds et monolithiques sont mieux capables de supporter des surcharges ponctuellement importantes que les planchers légers (bois ou polystyrène).
Adaptation de la réglementation à nos charges d'aquariums
Imaginons une dalle en béton armé libre de toute surcharge et empilons quelques palettes au centre. SI vous avez déjà vu construire des maisons, c'est exactement ce qui se passe quand on approvisionne les " agglo ". Imaginons et exagérons par la pensée la déformation du plancher pour mieux la visualiser. La dalle va fléchir sous la charge et la déformation va se transmettre à une largeur de plancher bien supérieure à l'impact de la palette. Le plancher ne se comporte pas comme une série de poutres juxtaposées et indépendantes ; son monolithisme fait que les efforts concentrés s'étalent bien au-delà de l'impact d'application ; en fait, pratiquement toute la largeur de la dalle participe à l'effort. C'est cette propriété que l'on peut utiliser pour soutenir le raisonnement suivant. Soit un aquarium classique de 600 litres environ Lxlxh = 150x0.7x0.6 d'un poids total compris décantation de 1.000 kg. Un poids de 1.000 kg, c'est la somme des surcharges de 150 kg/m2 étalées sur 6,7 m2. Si donc je dispose d'une surface de 6,7 m2 sans autre surcharge que mon bac, je ne devrais pas trop prendre de risque si mon plancher est capable d'étaler les charges ponctuelles. Il est impératif de disposer de place sur au moins 3 côtés d'un bac ; faites le calcul et vous constaterez qu'on libère assez facilement la surface équivalente nécessaire. Peu importe pour l'instant la manière dont le bac transmet sa charge au plancher, nous y reviendrons.
Les types de planchers les plus courants en logements
Planchers à voûtains (fin XIX° et début du XX° siècle) :
Poutrelles en profilés métalliques (espacement 40 à 60 cm)
voûtains souvent en briques
chape de répartition en mauvais mortier
Ces planchers présentent un assez mauvais monolithisme. Il convient d'éviter les supports de bacs à pieds vissés réglables. Les murets en maçonnerie épaisse sont bien adaptés.
Planchers à poutrelles et hourdis :
poutrelles en béton armé ou précontraint (espacement 60 cm)
hourdis en béton, terre cuite ou polystyrène
chape de répartition en béton armé (4 cm minimum)
Ces planchers présentent un bon monolithisme. En cas de supports à pieds vissés réglables, ne pas les espacer de plus de 60 cm.
Dalles pleines en béton : planchers présentant un très bon monolithisme, tous les types de supports de bacs sont adaptés. Rester tout de même raisonnable ! !
Planchers en bois (pour mezzanines par exemple) :
poutrelles en bois généralement visibles
tablier en planches de bois
Ces planchers présentent un très mauvais monolithisme et sont très flexibles. L'installation de bacs lourds sur ces structures doit être bien étudiée. Placer la charge près des appuis des poutres principales et construire un support métallique indéformable et capable d'étaler les efforts sur tout leur linéaire d'appui. En cas de support à pieds vissés réglables, il convient d'interposer un bastaing bois entre le support et le plancher. La flexibilité de ces structures rendra très difficile le réglage horizontal du bac en service.
Les types de revêtements de sols les plus courants en logements
Les surcharges d'exploitation sont transmises à la structure porteuse au travers du revêtement de sol.
Cette description est simplement destinée à aborder la notion de poinçonnement qui semble mal comprise. Si la surcharge réglementaire est de 150 kg/m2, un homme de 120 kg n'est pas à la limite de passer au travers car il ne poinçonne pas le béton : aussi lourd soit-il, ses pieds ne s'enfonceront jamais dans la dalle !
En revanche, certains types de revêtements de sols peuvent être poinçonnés par des charges concentrées telles que les pieds vissés réglables qui équipent souvent les supports métalliques pour aquariums.
Revêtements de sols minces :
dalles ou lés en matière thermoplastique
dalles ou lés en moquette
parquets bois modernes
Ces revêtements peuvent être facilement poinçonnés et les empreintes seront alors définitives. Les pieds vissés des supports doivent être équipés d'une semelle de répartition pour limiter la contrainte à 2 kg/cm2. Exemple : pied supportant une charge de 200 kg, semelle de 100 cm2, soit 10x10 cm, hauteur 3 cm.
Revêtements de sols épais :
carrelages grès
dalles de terre cuite
Ces revêtements ne poinçonnent pas s'ils ne sonnent pas creux. Un carrelage qui sonne creux est mal posé : il ne faut pas s'appuyer dessus car il cassera. Une petite plaque de bois placée sous le pied réglable évitera éventuellement d'ébrécher l'émail du sol.
Planchers bois :
structure bois avec planches formant tablier : évoqué précédemment
plancher ancien sur lambourdes : à traiter comme une structure en bois.
Comment " lire " la structure de son logement
Inutile de se leurrer, ce n'est pas toujours évident, même pour un expert. Mais au fait, pourquoi devrait-on s'en occuper ?
La simple détermination du type de plancher sur lequel on s'appuie sera même souvent malaisée, sauf et heureusement pour les plancher en bois.
On le sait maintenant, en respectant quelques règles simples, le bac ne passera pas au travers du plancher. Mais comme chacun l'imagine, une planche formant pont fléchit davantage si on se trouve au milieu du gué qu'au début du passage. De même, un bac bien lourd fléchira davantage le plancher s'il est placé au milieu de sa portée que près des appuis.
Dans un immeuble moderne en béton armé, inutile de se compliquer la vie. Les liaisons ferraillées entre dalles et murs sont telles que tout bac placé près d'un mur ne fléchira pas sensiblement la dalle d'appui. Il suffit donc de ne pas confondre un mur qui sonne plein avec une cloison qui sonne creux et dont l'épaisseur ne dépasse pas 10 cm. Attention tout de même aux murs comportant un doublage thermique, les façades par exemple, qui sonnent aussi creux.
Dans une villa récente (un " pavillon " pour les parisiens !), les planchers n'ayant pas de fonction phonique sont souvent en poutrelles et hourdis et les murs sont en agglomérés de ciment d'au moins 15 cm ou en briques. Le spectre des poutrelles peut apparaître en plafond, donnant le sens de portée du plancher. Sinon, le sens de portée est logiquement le sens le plus court ente deux porteurs.
Les immeubles anciens à planchers poutrelles métalliques sont les plus difficiles à analyser. Tous les murs sont souvent en maçonnerie plus ou moins grossière et fondés, ce qui ne donne pas d'indication sur le sens de portée des poutrelles. La table de répartition en mortier n'est pas ferraillée et aucune liaison n'est assurée avec les murs dans le sens non porteur. Ainsi, un bac très lourd est susceptible de fléchir la poutrelle parallèle à un mur et de provoquer une fissure entre le plancher et ce mur. La meilleure solution dans ce cas serait de créer un support triangulé solidarisé avec le mur : voir avec un serrurier.
Un repère intuitif : imaginer la déformation du plancher en charge.
Avant tout calcul, un peu de bon sens s'impose. Inutile de prévoir un système très compliqué et très risqué s'il existe une solution plus simple.
A partir des hypothèses de charges, le calcul va déterminer des moments fléchissants, des efforts tranchants et d'autres relations qui vont permettre de vérifier qu'en aucun cas les contraintes auxquelles sont soumis les matériaux ne dépasseront les limites admissible. Toute cette cuisine est du domaine des ingénieurs de structures.
Mais il suffit de se souvenir que les contraintes supportées par les matériaux sont proportionnelles à la déformation de la structure au point considéré pour faire des bons choix. Il est donc important d'imaginer qualitativement et en l'exagérant, la déformation de votre plancher sous la charge que vous allez lui placer.
Un plancher fléchira davantage au milieu de sa portée que près de ses appuis : un même bac sollicitera moins la structure près d'un mur qu'au milieu de la pièce. Si vous appuyez votre socle transversalement par rapport aux poutrelles ou aux lambourdes, la charge sera mieux répartie, et ainsi de suite. Ces remarques sont du domaine du bon sens, une qualité dont les aquariophiles ont grand besoin dans la pratique de leur hobby.
Note : Cet article n'est qu'un document de vulgarisation. Les unités utilisées ne sont plus en vigueur mais restent comprises par le plus grand nombre. Que les spécialistes actuels ne s'en formalisent pas.
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Article écrit par Michel Perdrix et publié le 24/01/2005; Article publié initialement sur le site de l'ARA
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