Le traitement de l'eau
Tout le monde recherche LA méthode de maintenance idéale : celle-ci serait simple à mettre en oeuvre pour le néophyte, ne demanderait pas ou peu d'entretien, serait bon marché, permettrait de garder tout type d'animaux et d'algues, etc... Bien évidemment, il n'est pas utile d'avoir beaucoup d'expérience en récifal pour savoir que cela n'est pas possible ! Il n'y a pas de méthode miracle qui permette de faire l'économie d'un réel investissement pour comprendre les grands principes de filtration.
Photo, Julien THEODULE
L'aquarium est un milieu clos. Dans cet un environnement captif, tout ce qu'on introduit doit avoir un rôle et sera certainement transformé en un autre composé, qui peut s'accumuler. Certains éléments seront consommés et il convient donc de les remplacer.
Même si les apports peuvent varier selon le type d'aquarium - un aquarium récifal devra être spécifiquement supplémenté en calcium par exemple -, le point commun à tous ces bacs est l'ajout de nourriture. Cette nourriture contient des éléments organiques à base de carbone, d'azote et de phosphore qui sont indispensables aux êtres vivants présents dans le bac. Il convient cependant d'être vigilant aux produits issus de leur consommation : les déchets de nourriture, les déjections des animaux, les dégradations incomplètes, etc...
a) Les flux de nutriments
Les déjections des poissons, ainsi que la nourriture non consommée, et les éventuels cadavres ainsi que d'autres matières organiques comme le mucus des coraux vont être pris en charge par les bactéries présentes dans l'aquarium. Ces bactéries, naturellement présentes dans l'air, dans l'eau et sur les supports, colonisent l'aquarium au cours de sa phase de "maturation". C'est pourquoi il est important de laisser ce cycle se mettre en place avant d'ajouter des animaux dans le bac.
Dès la mise en fonctionnement, les bactéries vont coloniser tous les supports disponibles, et selon les conditions qui leur sont offertes, on observera la mise en place de différentes populations bactériennes.
Dans les milieux à taux d'oxygène normal (environ 7 mg/l) à la surface des roches, du sable et des vitres de l'aquarium, des populations de bactéries aérobies s'installent dès la première semaine. De la matière organique est présente dans le bac (organismes morts sur les pierres vivantes, etc ..) et ces premières populations vont dégrader ces déchets en ammonium. On assistera à un pic du taux d'ammonium mesurable avec les tests aux alentours de 0.1 à 1 mg/l).
Les trois semaines suivantes seront consacrées à la colonisation par les bactéries nitrifiantes maintenant qu'elles ont de la matière à transformer, et on mesurera un pic du taux de nitrites (parfois jusqu'à 5 à 10 mg/l) puis un pic de nitrates (parfois jusqu'à 50 mg/l si on laisse le cycle se poursuivre).
Une fois ces différents pics disparus (les mesures ammoniaque - nitrites - nitrates indiquant toutes 0 mg/l), on considère que le bac a effectué un cycle complet et qu'il est prêt à recevoir quelques habitants. On peut commencer l'introduction d'animaux progressivement afin permettre aux populations bactériennes de s'adapter à la nouvelle charge organique du bac.
Ces bactéries, classiquement Nitrosomonas et Nitrosococcus en charge de la conversion de l'ammonium en nitrite, et Nitrobacter en priorité mais aussi Nitrococcus pour la conversion nitrites vers nitrates, travaillent dans les zones oxygénées, elles sont donc sur tous les supports visibles, mais également particulièrement dans les filtres rapides (bioballes par exemple) où l'eau et l'air passent à grande vitesse, ce qui permet une oxygénation et une dégradation efficace des déchets. Cette conversion est une phase de ce qu'on appelle le "cycle de l'azote". Les déchets sont convertis en ammonium (NH4+), puis en nitrites (NO2-) et nitrates (NO3-).
Selon le type de bac (FO par exemple), le cycle s'arrête là, et on doit effectuer des changements d'eau pour éviter que le taux des nitrates n'atteigne des niveaux toxiques pour les habitants. On peut également mettre en place des dénitrateurs (autotrophe comme le DAS (Dénitrateur Autotrophe sur Soufre) ou hétérotrophe qu'il faut alimenter avec une source de carbone (glucose ou alcool)) afin de réduire les nitrates en azote gazeux.
Néanmoins, si le taux de nitrates reste sous contrôle comme dans les bacs récifaux par exemple, on peut boucler le cycle de l'azote au sein même du bac.
Pour ce faire, il faut privilégier l'installation de colonies de bactéries dénitrifiantes : ceci est rendu possible par la mise en place de conditions anaérobies (taux d'oxygène faible de l'ordre de 0.5 mg/l) . On observe de telles conditions au sein des Pierres Vivantes, ou encore au sein de la couche de sable épaisse. En effet, les bactéries aérobies en contact avec l'eau du bac vont consommer l'oxygène dissout, et l'eau qui pénétrera plus profondément au sein de la roche ou de la couche de sable aura une teneur en O2 faible. Les bactéries colonisatrices devront alors être capables d'extraire l'oxygène des nitrates (NO3-), et nous les identifierons donc comme des bactéries anaérobies facultatives (par exemple les Pseudomonas qui sont hétérotrophes et les fameuses Thiobacillus qui sont chimioautotrophes, mais il y en a bien d'autres? ). Par leur action, elles vont réduire les ions nitrates, et relâcher de l'azote N2 gazeux qui s'évacuera du bac. On voit donc que l'azote ne s'accumule pas dans le système, phénomène que nous appellerons le bouclage du cycle de l'azote. Bien d'autres cycles sont présents au sein de l'aquarium (cycle de l'oxygène, cycle du carbone, cycle du phosphore). Ceux qui parmi eux sont incomplets, comme celui du phosphore en particulier, doivent retenir toute notre attention afin d'éviter des accumulations préjudiciables à moyen et long terme.
b) Filtration mécanique
i) Perlon
Une mousse de perlon peut être placée dans un endroit à fort débit, par exemple en entourant une crépine de pompe, ou dans le flux de la décantation, afin de piéger les plus gros déchets transportés par le courant. En récifal, ce filtre à grosses particules sera régulièrement lavé ou changé, tous les deux jours par exemple, car il n'a pas vocation à héberger des populations de bactéries, mais juste à piéger les déchets. Le laisser en place trop longtemps permettrait la dégradation des déchets ce qui produirait des nitrates.
ii) Décantation
Photos, Hervé ROUSSEAU, Julien THEODULE
Une "vraie" décantation n'est pas juste un bac technique où on place écumeur et autres appareils. La décantation est normalement un bac traversé par une eau à faible débit. Le trajet est suffisamment long et le débit suffisamment faible pour permettre le dépôt de la grande majorité des particules en suspension. On peut ainsi facilement extraire du système certains déchets et composés organiques avant leur dégradation.
iii) Filtre sous sable
Photo, Julien THEODULE
Symbole de l'aquariophilie des années 1970-80, le filtre sous-sable est aujourd'hui complètement obsolète en aquariophilie marine. Il consistait à forcer le passage de l'eau au travers du sable et à piéger ainsi les déchets et permettre leur dégradation aérobie.
iv) Clochage
Photos, Julien THEODULE
La majorité des déchets ont une densité qui les amènent à déposer au fond du bac. C'est pourquoi l'entretien de la couche de sable de la quasi totalité des aquariums marins est primordiale. Hormis les cas des systèmes Jaubert ou autres à base de sable vivant, on tentera au maximum de limiter les accumulations de déchets au sein des couches de sable. Si un bon brassage favorisant la non accumulation des sédiments et l'absence de zones mortes est insuffisant, il faut procéder à un clochage régulier du sable .
i) Ecumeur
Photo, Julien THEODULE
L'écumeur est le symbole de l'aquariophilie récifale maîtrisée, bien qu'on puisse le trouver en complément sur d'autres bacs comme les FO. Il piège dans les bulles d'air (produites par injection d'air et d'eau sous pression) certains types de molécules qui ont la particularité d'avoir une tête hydrophile et une queue hydrophobe, ce qui les attire irrésistiblement vers les interfaces air-eau dont les bulles sont un bon exemple.
Ces molécules, parmi lesquels les polypeptides, les orthophosphates et d'autres composés carbonés sont ainsi retirées du système avant leur dégradation et leur entrée dans le cycle de l'azote.
c) Filtration biologique
i) Supports
Tous les supports physiques du bac vont être colonisés par les bactéries. Selon la teneur en oxygène de l'eau environnante, mais aussi l'exposition à la lumière et d'autres facteurs, différentes populations bactériennes vont se mettre en place. Elles sont responsables d'une partie de la dégradation des déchets, de la complétion des différents cycles (de l'azote en particulier comme nous l'avons vu), de l'acidification des couches profondes du sable (voir méthode Jaubert) et de divers autres processus de transformations de la matière organique.
ii) Bioballes
Photo, Hervé ROUSSEAU
Les bioballes sont des éléments que l'on place dans un endroit traversé par un fort courant, et très oxygéné afin de favoriser le développement de populations de bactéries aérobies chargées de dégrader rapidement les déchets en nitrates. Ces éléments de part leur forme et leur surface sont particulièrement adaptées à cet usage. Ils sont surtout utilisés en FO et sont à proscrire en récifal où le but est justement d'éviter les nitrates en favorisant l'extraction des déchets avant leur transformation.
iii) Pierres Vivantes
Photo, Julien THEODULE
Les PV sont poreuses, et donc particulièrement aptes à accueillir de nombreuses colonies de bactéries, tant à leurs surfaces (bactéries aérobies) qu'en profondeur (bactéries anaérobies).
Elles permettent en particulier un bon fonctionnement du cycle de l'azote, car la proximité physique des différentes populations permet un retraitement particulièrement efficace de l'azote.
iv) Couche de sable
Photo, Julien THEODULE
Le lit de sable, mis en avant dans les méthodes Jaubert et DSB (Deep Sand Bed) comme dans toutes les méthodes dites " naturelles " ou "écologiques " est basé sur le même concept que celui des Pierres Vivantes. La surface disponible pour les bactéries est d'autant plus grande que le sable est poreux, et la diminution du taux d'oxygène dissous au fur et à mesure de l'enfoncement dans la couche de sable permet l'installation de populations de bactéries aérobies en surface, de anaérobies facultatives un peu plus en profondeur (jusqu'au plénum dans les bacs Jaubert par exemple, teneur O2 = 0.5 mg/l), voire même des métanogénèses au fond des bacs DSB (en quasi absence d'oxygène)
v) Dénitrateur
Le dénitrateur est un appareil externe dans lequel on tente artificiellement de reproduire ce qui se passe au sein des PV ou au fond du lit de sable. Grâce un faible débit d'eau, le taux d'oxygène diminue dans la première partie de l'appareil afinb de favoriser ensuite la réduction des nitrates par des bactéries anaérobies.
d) Filtration chimique
vi) Résines
Les résines échangeuses d'ions ont la particularité de piéger certains composés en suspension et de les retenir (phosphates, nitrates, molécules organiques). Une fois la résine saturée, elle est retirée du système. Elle ne peut néanmoins être considérée que comme une solution temporaire, puisqu'elle agit sur les symptômes et non sur l'origine du problème.
vii) Charbon actif
Photo, Julien THEODULE
Le charbon actif est un charbon qui a été traité à hautes pression et température afin de retirer les impuretés et lui conférer une porosité maximale. Ses propriétés lui permettent d'absorber et d'adsorber un grand nombre de substances organiques, en particulier des composés qui ne sont pas extraits par l'écumage en raison de leur nature chimique. L'utilisation périodique de charbon actif permet de clarifier l'eau. A noter que tous les charbons actifs ne sont pas équivalents. Les charbons activés par l'acide phosphorique contiennent des phosphates et sont par conséquent à éviter pour l'aquarium marin.
viii) Zéolithes
Sur le même principe que le charbon actif, les zéolithes sont utilisées depuis très longtemps en aquariophilie d'eau douce, et depuis encore plus longtemps pour d'autres applications (litières à chat par exemple). Ce terme désigne un groupe de roches naturelles aux propriétés d'adsorption dépendantes de leur composition. Ces roches très poreuses se comportent comme des tamis moléculaires (filtration physique) et comme des échangeurs d'ions (filtration chimique). Les composés adsorbés restant dans ces zéolithes, des bactéries s'y développent et transforment ces zéolithes en filtre biologique. Depuis quelques années, on observe le développement de certaines marques de zéolithes avec leurs produits associés (bactéries, suppléments, etc...) qui sont utilisées comme matériaux de filtration pour bacs récifaux.
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