Comment lutter ??
Même si les problèmes d'algues dans les aquariums récifaux sont de moins en moins courants en raison des progrès réalisés dans les systèmes de filtration, ils sont souvent préoccupants pour l'aquariophile car pas toujours simples à résoudre. Nous allons tenter dans ce paragraphe d'explorer un certain nombre de pistes et d'envisager un mode opératoire simple pour se débarrasser des algues indésirables. Il n'existe malheureusement pas de méthode universelle mais le conseil de base et le point de départ sont : trouvez l'origine du mal ! En effet, plusieurs facteurs conditionnent la croissance des algues indésirables et il convient de les passer en revue afin d'en éliminer les sources potentielles.
a) Sédiments
La gestion des sédiments DOIT être une des préoccupations de l'aquariophile consciencieux et ceci dès le démarrage du bac voir avant. Le clochage du sable, la filtration sur perlon, le siphonage des sédiments ou les changements d'eau sont devenues des pratiques moins courantes chez les aquariophiles récifaux. Pourtant, l'accumulation des sédiments dans le bac récifal est un réel problème et conditionne la pérennité de l'équilibre fragile de nos écosystèmes captifs.
Photo, Julien THEODULE
Les sédiments sont d'origines diverses et ils peuvent provenir de précipitations, d'érosion de la roche ou de décompositions incomplètes de la matière organique. Ils sont de composition variable mais constituent toujours une source importante de nutriments qu'il convient d'éliminer. L'utilisation d'une décantation est un atout de choix mais ne dispense pas de réaliser un siphonage régulier des sédiments dans les infractuosités des roches ou derrière le décor. Les auxiliaires de nettoyage que sont les bernards l'ermite et les crabes sont indispensables par leur incessante activité de remise en suspension et de traitement des débris organiques. De la même manière, le clochage du sable - lorsque la méthode de filtration ne repose pas sur une couche de sable épaisse vivante ou non - est une pratique qu'il convient d'utiliser avec parcimonie mais qui s'avère toujours payante sur le long terme.
Pour finir, une filtration sur perlon peut être utilisée en permanence ou régulièrement, à la condition expresse de changer ou de laver soigneusement le perlon toutes les semaines afin d'éviter la dégradation bactérienne des déchets, ce qui conduirait à une augmentation des nitrates dans l'aquarium.
b) Filtration / Export de nutriments / qualité de l'eau
Les progrès de l'aquariophilie marine et récifale depuis ces dix dernières années ont beaucoup simplifié les problèmes de filtration et d'export de nutriments. Un écumeur bien dimensionné associé à une filtration biologique efficace (pierres vivante et/ou lit de sable épais) permet aujourd'hui de maintenir un aquarium récifal dans d'excellentes conditions sans qu'un déséquilibre entre la production et l'extraction des nutriments dissous soit en faveur d'une accumulation. Les problèmes d'algues traduisent très souvent une filtration mal adaptée et un mauvais dimensionnement de l'écumeur.
Photo, Julien THEODULE
L'utilisation de charbon actif dans le système de filtration constitue généralement un atout mais parfois aussi un élément perturbateur. En effet, une grande quantité de molécules peuvent être absorbées par le charbon actif y compris certains éléments qui catalysent la pousse des algues. Cependant, certains charbons actifs contiennent des phosphates et peuvent en relarguer une quantité suffisamment importante pour accroître la pousse des algues. Il convient donc d'utiliser le charbon actif avec parcimonie et, dans la mesure du possible de tester sa teneur en phosphates.
Même avec un système de filtration adapté, la qualité de l'eau de compensation est un facteur déterminant dans la présence de composés favorisant la pousse des algues. Il convient dans la plupart des régions françaises d'utiliser un osmoseur performant pour le traitement de l'eau courante avant son utilisation pour nos écosystèmes.
c) Eclairage
L'éclairage joue un rôle très important dans la croissance des algues de tous types qu'elles soient symbiotiques, supérieures ou indésirables. Les ampoules et tubes fluorescents utilisées en aquariophilie marine voient leur intensité diminuer et leur spectre dériver avec l'âge et par conséquent, les conditions lumineuses offertes à nos hôtes évoluent. Une croissance spontanée d'algues indésirables au détriment des autres animaux sans changement des autres paramètres peut être déclenchée par un changement de la qualité et de la quantité d'éclairage dû au vieillissement des ampoules. Comme pour les autres paramètres du bac il faut veiller à la stabilité et il convient donc de changer son éclairage régulièrement, en moyenne tous les ans pour des ampoules HQI en 10000K et aussi souvent pour des tubes fluorescents du type "lumière du jour".
d) Brassage
Photo, Hervé ROUSSEAU
Le brassage de l'aquarium marin a beaucoup évolué depuis l'utilisation des premières pompes asynchrones et il est aujourd'hui possible de reproduire dans l'écosystème captif des conditions proches du milieu naturel. L'erreur couramment commise par manque de connaissances est de ne pas brasser suffisamment ou pas correctement.
Il existe quelques règles simples à appliquer qui ne font pas l'objet de ce sujet et qui permettent de réaliser un brassage convenable pour l'aquarium récifal. Lorsque le bac n'est pas correctement brassé, certaines zones deviennent favorables à la croissance d'algues indésirables, sans que les paramètres globaux de l'eau soient nécessairement en jeu. Il est alors important de reprendre en main sa configuration pour améliorer le brassage, en expérimentant diverses possibilités et divers positionnements de pompes pour vérifier si la présence d'algues indésirables n'est pas liée à un brassage inadapté.
e) Solutions biologiques :
La prolifération d'algues indésirables n'est pas le propre d'aquariums récifaux aux conditions inadaptées, mais se rencontre aussi sur le récif dans des zones où les populations d' herbivores sont faibles. Il convient donc de peupler l'aquarium récifal d'herbivores variés et adaptés au volume du bac et en nombre suffisant pour que la consommation soit égale à la production.
Les escargots du type Astrea sp. , Trochus sp. sont parmi les plus rencontrés dans le commerce aquariophile et constituent des auxiliaires idéaux pour l'aquarium. Il existe un nombre important d'espèces d'escargots herbivores sur le récif avec des régimes alimentaires variés, et tous ont leur place dans l'aquarium récifal. Ils ont des goûts qui varient pour les différents types d'algues et l'idéal est de maintenir une grande diversité d'espèces. Certains bernards l'ermite sont également d'excellents herbivores et il convient d'en héberger dans l'aquarium récifal pour accroître la population de consommateurs. Ils sont également d'excellents détritivores et sont parmi les animaux les plus utiles dans l'aquarium. Attention néanmoins à ne pas introduire dans l'aquarium récifal d'animaux omnivores qui constituraient une menace pour les coraux. Les crabes du genre Mithrax sont réputés pour être d'excellents herbivores, et ils sont notamment consommateurs des algues bulles (Valonia notamment) qui peuvent facilement envahir un aquarium récifal et nuire aux coraux branchus.
Mais la liste des invertébrés herbivores ne s'arrête pas là, il y a aussi les oursins qui peuvent parfois s'en prendre aux coraux ou s'avérer trop " dérangeants " pour un bac récifal mais qui constituent d'excellents herbivores. Certaines étoiles de mer sont également herbivores mais plus difficiles à maintenir, et pour finir, les limaces de type aplysie (Dolabella sp. par exemple) sont aujourd'hui couramment importées et constituent d'excellents auxiliaires à condition de leur offrir des conditions de maintenance adaptées. Pour plus de détails sur ces invertébrés, nous vous invitons à consulter la base de données invertébrés.
Photo, Hervé ROUSSEAU, Julien THEODULE
La diversité des espèces de poissons rencontrés dans le commerce aquariophile fait qu'aujourd'hui, il est possible de trouver son herbivore idéal quelque soit le volume du bac… nous ne ferrons pas ici une liste exhaustive de ces espèces, mais nous vous conseillons vivement de vous reporter à la base de données poissons : lien dans laquelle vous trouverez sûrement la population idéale pour votre bac. A noter également que certains espèces ingèrent plus particulièrement certaines espèces d'algues, il est donc important de bien choisir son consommateur en fonction de l'écosystème reproduit !
f) Solutions chimiques
Quelques solutions chimiques sont envisageables dans la lutte contre les algues mais ce ne sont souvent que des pis-aller. Il existe notamment des produits contre les cyanobactéries. Hélas, lorsqu'on traite les symptômes et non l'origine du mal, il y a une récidive systématique et celle-ci est souvent rapide !
Par son effet sur le pH, l'eau de chaux favorise la précipitation des phosphates sous forme de phosphate de calcium ce qui par conséquent, retire du " carburant " aux algues indésirables. Cette solution nécessite un siphonage rigoureux des sédiments (voir paragraphes précédents) afin de retirer ces phosphates précipités. Il faut noter que par cette approche, on ne lutte pas contre la source de phosphates. De la même manière, l'utilisation de support de fixation des phosphates (billes vendues sous diverses appellations commerciales) permet de retirer de l'eau une partie des phosphates qui sont captés par adsorption. Une fois ces supports chargés en PO43- ils doivent être renouvelés. Cette solution, qui a connu ses heures de gloire il y a une dizaine d'années, ne devrait plus être utilisée dans l'aquariophilie récifale moderne. Elle permet toutefois de lutter contre un problème ponctuel. Il existe deux types de billes: un est constitué d'oxyde d'aluminium et le second d'oxyde de fer. Il est préférable d'utiliser l'oxyde de fer afin de ne pas augmenter de la teneur de l'eau en aluminium toxique.
g) Conclusion : Mode opératoire :
Comme nous avons pu le voir dans les paragraphes précédents, il est clairement impossible de donner une méthode universelle de lutte contre les algues, en raison du trop grand nombre de causes possibles. Il est par contre possible d'explorer la totalité de ces hypothèses et de les confronter à la situation de notre écosystème. Il faudra donc identifier l'élément favorisant la croissance des algues indésirables pour tenter dans la mesure du possible de le supprimer ou de le réduire, et d'offrir ainsi des conditions d'équilibre à votre bac. Il ne faut pas non plus sous-estimer le travail à réaliser, un arrachage manuel est toujours le bienvenu, comme un entretien régulier des filtres et un siphonage des sédiments. N'hésitez pas à réaliser un plan d'action, à déterminer des priorités dans les éventuelles corrections à apporter et vous verrez qu'en cherchant la cause, on arrive toujours à résoudre le problème ! Et n'oubliez pas : pour être un aquariophile récifal heureux et responsable, il ne s'agit pas de trouver les conditions minimales de maintenance mais de rechercher les conditions optimales.
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